Cour d’appel de Paris, Pôle 5, Chambre 4, Arrêt du 12 septembre 2018, Répertoire général nº 18/06436
Une clause attributive de compétence continuera à produire ses effets pour trancher un litige directement « en lien avec ce contrat », sans que la circonstance que ce contrat soit résilié modifie cette constatation, l’action découlant directement du contrat résilié et un article prévoyant expressément sa survie nonobstant la fin du contrat. Inversement, les négociations non abouties ne matérialisent pas un accord de volonté sur la compétence.
Une société de droit français et une société israélienne signent en décembre 2015 un contrat de distribution aux termes duquel la société israélienne concédait à la société française le droit de diffuser, d’exploiter et commercialiser sa nouvelle technologie de stockage. Le contrat prévoit que les juridictions de Tel-Aviv (Israël) seront seules compétentes pour connaître de tout litige découlant de l’accord ou en lien avec celui-ci.
La société distributrice travaille aux fins de remporter un appel d’offres mais à la suite du non-paiement de factures, l’éditeur lui notifie en 2016 la résiliation du contrat.
La société distributrice ayant finalement remporté le marché, les deux sociétés se rapprochent pour conclure un nouveau contrat : après une lettre d’intention signée, des projets de contrat sont échangés mais les parties ne parviennent à un accord et les négociations prennent fin.
En 2017, la société distributrice a assigne l’éditeur devant le Tribunal de commerce de Paris afin de faire constater ses violations de la lettre d’engagement, la rupture abusive des relations commerciales établies et l’existence d’acte de concurrence déloyale. La société israélienne saisit le tribunal de Tel Aviv aux fins de trancher le litige.
Par jugement du 19 mars 2018, le Tribunal de commerce de Paris dit la clause attributive de juridiction du contrat de 2015 applicable et se déclare incompétent.
La société française interjette appel, considérant que le contrat contenant la clause attributive de juridiction au profit des juridictions israéliennes a été résilié et que cette clause n’avait pas vocation à s’appliquer au présent litige. Elle estime que sur la base de la lettre d’intention, les sociétés ont établi plusieurs versions d’un protocole d’accord et qu’au cours de ce processus de négociation, la clause attributive de compétence désignait toujours Paris, l’accord de volonté entre les sociétés étant suffisamment matérialisé pour lier contractuellement les parties et ce même si la clause n’est pas contenue dans un contrat effectif.
Pour l’intimée, le contrat signé en 2015 est le seul contrat régissant les relations entre les parties et le litige soumis à la cour est directement en lien avec ce contrat, dès lors que les négociations pour répondre à l’appel d’offres ont débuté au cours d’exécution de ce contrat et que le litige est la conséquence du manquement aux obligations contractuelles initiales. Elle estime que les échanges de projets de contrats n’ont pas permis d’aboutir et qu’elle ne peut pas avoir accepté par son silence les propositions de stipulations contractuelles d’un simple projet de contrat.
La Cour sous le visa de l’article 48 du code de procédure civile doit déterminer si la clause du contrat résilié s’applique au litige.
La Cour va considérer que le litige est directement « en lien avec (ce contrat) », sans que la circonstance que ce contrat soit résilié modifie cette constatation, l’action découlant directement du contrat résilié, les négociations concernant l’appel d’offres ayant débuté alors que ce contrat était encore en vigueur et les impayés durant l’exécution de ce contrat étant une des raisons de l’échec de ces négociations. La Cour précise à titre surabondant que la clause d’attribution de compétence du contrat de 2015 prévoit que, nonobstant la fin du contrat, par quelle que cause que ce soit, elle continuera à produire ses effets.
Par conséquent la Cour d’appel confirme le jugement en ce qu’il a dit la clause attributive de juridiction applicable et s’est déclaré incompétent.