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Dans un contrat d’assurance, une clause d’exclusion de garantie imprécise ne peut recevoir application

08 février 2021 | Derriennic Associés|

Cour de cassation deuxième chambre civile du 26 novembre 2020, pourvoi n°19-16.435

En matière de droit des assurances, la validité d’une clause d’exclusion de garantie est conditionnée par le respect de conditions de forme et de fond :

  • Sur le plan formel, l’article L.112-4 du Code des assurances prévoit que : « Les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents ».
  • Pour ce qui est du fond, l’article L.113-1 alinéa.1 du même Code précise que : « Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ».

En l’espèce, une société spécialisée dans la vente et la location de véhicules et de bateaux était propriétaire d’un voilier qui s’est échoué, le 14 octobre 2012, suite au passage de la tempête Rafael.

En avril 2013, cette société a assigné son courtier en assurance en exécution du contrat « multirisque plaisance » qu’elle avait souscrit. Ce dernier a appelé en intervention forcée l’assureur qui est intervenu volontairement à la procédure en février 2016.

Le contrat multirisque de l’assurance comportait une clause d’exclusion de garantie prévoyant que :

  • « sont exclus de l’assurance les pertes et dommages indirects (par exemple diminution de l’aptitude à la course, moins-value, dépréciation)».

Le tribunal de grande instance de Basse-Terre (par un jugement du 17 novembre 2016) puis la Cour d’appel de Basse-Terre (par un arrêt du 25 février 2019) ont été réceptifs à l’argumentaire de l’assureur et ont estimés que cette clause permettait d’exclure le préjudice lié à la perte d’exploitation :

  • « Cette clause suffisamment explicite s’entend comme excluant tout préjudice qui ne découle pas directement du fait générateur telle précisément la perte de revenus tirée de l’arrêt de l’exploitation. Aussi, peu important les conditions alléguées du déroulement de l’activité touristique de la société Cybele Rent, il n’y a pas lieu de considérer cette clause comme vidant la garantie de sa substance et c’est à raison que la réparation du préjudice commercial réclamée par cette dernière a été écartée par le premier juge».

Le demandeur n’a donc été que partiellement satisfait en première instance puisque si les juges ont pris en compte son préjudice matériel de 60.013 euros (frais de renflouement, frais de gardiennage et réparations diverses), ils ont en revanche refusé, par application de la clause précitée, d’indemniser son préjudice commercial, chiffré à 327.500 euros.

Un pourvoi en cassation a donc formé, au motif que :

  • « les clauses d’exclusion doivent être formelles et limitées, et doivent se référer à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées qui excluent toute interprétation, de façon à permettre à l’assuré de connaître exactement l’étendue de la garantie » ;
  • « en jugeant que la clause selon laquelle « sont exclus de l’assurance les pertes et dommages indirects (par ex., diminution de l’aptitude à la course, moins-value, dépréciation) » était formelle et limitée, bien qu’elle ait donné à la notion de dommage indirect ainsi visée un sens qui n’est pas celui admis par la jurisprudence, la cour d’appel, qui a ainsi interprété cette notion visée par la clause, a violé l’article L. 113-1 du code des assurances ».

La Cour de cassation a partiellement censuré l’arrêt de la Cour d’appel sur le visa de l’article L.113-1 du Code des assurances :

  • rappelant qu’ « il résulte de ce texte que les clauses d’exclusion de garantie ne peuvent être tenues pour formelles et limitées dès lors qu’elles doivent être interprétées » ;
  • pour conclure que ledit article avait été violé : « En statuant ainsi, alors que cette clause d’exclusion de garantie, en ce qu’elle ne se réfère pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées, n’est pas formelle et limitée et ne peut recevoir application en raison de son imprécision, rendant nécessaire son interprétation, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».

La cassation porte ici seulement sur le chef de décision rejetant la demande d’indemnisation du préjudice commercial allégué, mais entraîne par voie de conséquence celle du chef de décision fixant la somme allouée à la société propriétaire du voilier au titre de son entier préjudice.

Cet arrêt est une illustration claire du degré de précision qui est attendu des clauses d’exclusion de garantie en matière de contrat d’assurance. En effet, dès lors qu’elles nécessitent d’être interprétées, c’est qu’elles ne satisfont pas aux exigences de rigueur de l’article L.113-1 du Code des assurances.