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Discrimination en raison de l’identité de genre : première condamnation prud’homale

22 juillet 2024 | Laurent Cailloux-Meurice |

Pour la première fois et aux termes d’un jugement rendu par le Conseil de prud’hommes d’Angers le 24 juin 2024, une juridiction française vient condamner un employeur pour discrimination en raison de l’identité de genre affichée par une salariée.  

Au cas d’espèce, une salariée avait été engagée par un restaurant de fast-food d’une grande franchise internationale, pour être affectée aux cuisines. Faisant le choix d’assumer sa nouvelle identité de genre, la salariée avait pris la décision de venir travailler telle qu’elle est dans la vie quotidienne, vêtue et maquillée conformément au genre féminin auquel elle s’identifiait. Or, celle-ci allait rapidement faire l’objet de brimades, l’employeur interdisant à ses collègues d’utiliser son prénom féminin et de la désigner au féminin et lui interdisant l’utilisation du maquillage et, plus généralement, toute expression de sa revendication de genre.

La salariée saisit la juridiction prud’homale d’Angers en sollicitant, outre la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l’entreprise, des dommages-intérêts au titre du harcèlement moral lié à la discrimination dont elle avait été victime en raison de son identité transgenre.

L’employeur, en réplique, faisait valoir que la loi du 06 fructidor an II obligeait la salariée à n’utiliser que son seul prénom visé à son acte de naissance. Quant aux harcèlement subi, l’employeur faisait valoir des « maladresses » provoquées que par la difficulté à gérer cette nouveauté.

Après avoir rappelé les évolutions législatives et l’état du droit positif, le Conseil de prud’hommes balaie les arguments de l’employeur. Écartant les dispositions désuètes du texte de 1974 invoquées par l’employeur, le Conseil relève une véritable déloyauté de l’entreprise ayant discriminé ainsi la salariée en raison de son identité de genre. Le Conseil, qui caractérise également le harcèlement moral en raison des conséquences négatives sur la santé de l’intéressée, prononce la résiliation judiciaire aux torts de l’entreprise.

Cette décision, bien qu’inédite, s’inscrit clairement dans les dispositions du texte, aujourd’hui très large, prohibant toute forme de discrimination au travail. Accompagnant les changements sociétaux, le code du travail et, par suite, les entreprises sont désormais rappelées à l’ordre quant à leur obligation éthique d’inclusion et de diversité, chère à leur démarche RSE.

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Source : Cons. Prud. Angers, 24 juin 2024, n°23/00342