Comment interrompre la courte prescription en matière d’infraction de presse?
TGI Paris, 17e ch., 16 déc. 2015
En matière d’infraction de presse, la prescription est de trois mois à compter de la publication du contenu litigieux (article 65 de la loi du 28 juillet 1881). Si l’acte introductif d’instance qu’est l’assignation interrompt la prescription, il ne l’a suspend pour autant pas.
Rappelons que la suspension interrompt temporairement le cours de la prescription (article 2230 du code civil), tandis que l’interruption efface le délai de prescription déjà acquis et « fait courir un nouveau délai de même durée » (article 2231 du code civil).
C’est à compter du placement au greffe de l’assignation que le délai de prescription de trois mois est interrompu, pour faire courir un nouveau délai de prescription de même durée… soit, trois mois…
Le piège consiste, pour le demandeur, à ne pas réaliser tous les trois mois à compter du dépôt au greffe de l’assignation, un nouvel acte de procédure, régulier, pour manifester son intention de continuer l’action engagée.
Une décision récente rendue par le Tribunal de Grande instance de Paris du 16 décembre 2015, tout en rappelant le principe relatif aux actes interruptifs de prescription, précise les conditions que doivent revêtir les actes susceptibles d’interrompre la prescription.
A la suite d’un commentaire jugé diffamatoire par le demandeur, une autorisation d’assignation à jour fixe a été délivrée à l’encontre de son auteur et de l’éditeur le 1er juillet 2015.
Le 23 septembre 2015, des conclusions du demandeur sont transmises au Tribunal via RPVA. Ces conclusions avaient pour objectif d’interrompre le délai de prescription de trois mois pour faire courir un nouveau délai de trois mois. Toutefois, à cette date, aucun avocat des défendeurs ne s’était encore constitué.
Il a fallu attendre jusqu’au 5 novembre 2015 pour que les avocats des défendeurs se constituent. Ces derniers arguaient de la prescription de l’action, ce à quoi, le Tribunal de Grande Instance a fait droit, au motif que le demandeur, n’avait pas réalisé des actes réguliers susceptibles d’interrompre la prescription.
En effet, le Tribunal a jugé que les conclusions déposées par le demandeur le 23 septembre 2015 n’avaient pas pu interrompre la prescription dans la mesure où elles n’avaient pas été régularisées au titre de l’article 815 du code de procédure civile. En effet, pour être régulières, les conclusions doivent avoir été« notifiées dans la forme des notifications entre avocats ».
Se pose alors une question pratique : comment peut-on interrompre la prescription dans l’hypothèse où l’avocat du défendeur ne se constitue pas comme tel était le cas en l’espèce ?
Le Tribunal précise que le demandeur peut faire « signifier aux défendeurs eux-mêmes, par huissier de justice, un acte de procédure, quelle que soit sa dénomination, qui aurait manifesté son intention de poursuivre l’action ».
On retient de cette décision que le demandeur est invité à signifier ses écritures directement auprès du défendeur s’il ne constitue pas avocat pour interrompre la prescription.