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Droit Social – Lettre d’actualité Novembre 2019

08 novembre 2019 | Derriennic Associés |

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FICHE PRATIQUE : L’employeur face au droit d’accès 

L’article 15 du Règlement général sur la protection des données (UE) n°2016/679 dit « RGPD » permet à toute personne d’avoir accès et d’obtenir une copie des données personnelles la concernant :

« 1. La personne concernée a le droit d’obtenir du responsable du traitement la confirmation que des données à caractère personnel la concernant sont ou ne sont pas traitées et, lorsqu’elles le sont, l’accès auxdites données à caractère personnel ainsi que les informations suivantes:

a) les finalités du traitement;

b) les catégories de données à caractère personnel concernées;

c) les destinataires ou catégories de destinataires auxquels les données à caractère personnel ont été ou seront communiquées, en particulier les destinataires qui sont établis dans des pays tiers ou les organisations internationales;

d) lorsque cela est possible, la durée de conservation des données à caractère personnel envisagée ou, lorsque ce n’est pas possible, les critères utilisés pour déterminer cette durée;

e) l’existence du droit de demander au responsable du traitement la rectification ou l’effacement de données à caractère personnel, ou une limitation du traitement des données à caractère personnel relatives à la personne concernée, ou du droit de s’opposer à ce traitement;

f) le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle;

g) lorsque les données à caractère personnel ne sont pas collectées auprès de la personne concernée, toute information disponible quant à leur source;

h) l’existence d’une prise de décision automatisée, y compris un profilage, visée à l’article 22, paragraphes 1 et 4, et, au moins en pareils cas, des informations utiles concernant la logique sous-jacente, ainsi que l’importance et les conséquences prévues de ce traitement pour la personne concernée.

2. Lorsque les données à caractère personnel sont transférées vers un pays tiers ou à une organisation internationale, la personne concernée a le droit d’être informée des garanties appropriées, en vertu de l’article 46, en ce qui concerne ce transfert.

3. Le responsable du traitement fournit une copie des données à caractère personnel faisant l’objet d’un traitement. Le responsable du traitement peut exiger le paiement de frais raisonnables basés sur les coûts administratifs pour toute copie supplémentaire demandée par la personne concernée. Lorsque la personne concernée présente sa demande par voie électronique, les informations sont fournies sous une forme électronique d’usage courant, à moins que la personne concernée ne demande qu’il en soit autrement.

4. Le droit d’obtenir une copie visé au paragraphe 3 ne porte pas atteinte aux droits et libertés d’autrui. »

L’article 15 du RGPD offre, dès lors, à la personne concernée, le droit d’obtenir de celui qui traite ses données, communication et copie de ses données à caractère personnel.

Le droit d’accès comporte également un droit plus large d’information sur le traitement en question, à savoir : les finalités du traitement, les catégories de données traitées, les destinataires ou catégories de destinataires de ces données, leur durée de conservation ou les critères pour déterminer cette durée, l’existence des droits du salariés, le cas échéant, la source auprès de laquelle les données ont été collectées et l’existence d’une prise de décision automatisée.

L’objet du droit d’accès est notamment de permettre à celui qui l’exerce de prendre connaissance du traitement et d’en vérifier la licéité.

Ce droit d’accès s’exerce sans qu’il soit nécessaire, pour la personne concernée, de justifier d’un motif légitime.

– Quelles informations doivent être communiquées au salarié au titre de l’exercice de son droit d’accès ?

Il s’agit de toutes les données qui sont collectées et traitées par l’employeur concernant celui qui en fait la demande, notamment les données relatives à son recrutement, sa carrière, sa rémunération, l’évaluation de ses compétences professionnelles, ses antécédents disciplinaires et tout élément ayant servi à prendre une décision à son égard (promotion, augmentation, changement d’affectation, sanction…). 

– Le droit d’accès est-il absolu ou l’employeur peut-il opposer au salarié certaines limites ?

Si le droit d’obtenir  une communication des données semble sans limite (sous réserve des demandes manifestement abusives : infondées ou excessives), il en va différemment du droit d’obtenir une copie des données, dont l’exercice ne doit pas porter atteinte aux droits et libertés d’autrui. 

Cela implique notamment que, n’ont pas à être communiquées par l’employeur :

  • les données protégées par le secret des affaires ;
  • les données protégées par des droits de propriété intellectuelle ;
  • les données protégées par le secret des correspondances.

En revanche, il est bien évident que l’employeur n’est pas tenu de communiquer des données qui ont été effacées, dans la mesure où leur communication au salarié n’est plus 

possible (exemple : les enregistrements réalisés par un dispositif de vidéosurveillance conservés normalement 30 jours maximum puis détruits).

– Quels sont les modalités d’exercice du droit d’accès ?

Le droit d’accès peut être exercé par le salarié sur place ou par écrit, y compris par voie électronique.  

Si le droit d’accès s’exerce gratuitement, l’employeur est néanmoins en droit d’exiger le paiement de frais raisonnables basés sur les coûts administratifs pour toute copie supplémentaire de ses données demandée par le salarié.

En cas de « doute raisonnable » sur l’identité de la personne formulant la demande, l’employeur peut lui demander de joindre tout document permettant de prouver son identité, comme par exemple une photocopie d’une pièce d’identité. En revanche, l’employeur ne peut pas exiger systématiquement de telles pièces justificatives, lorsque le contexte ne le justifie pas.

– Quels sont les modalités de réponse à une demande de droit d’accès ?

L’employeur doit répondre dans les meilleurs délais à une demande relative au droit d’accès, et aux termes de l’article 12.3 du RGPD, dans un délai maximum d’un mois suivant la réception de la demande. Ce délai de réponse d’un mois peut être prolongé de deux mois « compte tenu de la complexité et du nombre de demandes ». L’employeur doit, dans cette hypothèse, informer le salarié de la prolongation du délai et du motif du report avant l’expiration du délai initial d’un mois.

Si l’employeur ne donne pas suite à la demande de droit d’accès, le salarié devra être informé des motifs le justifiant, ainsi que de la possibilité d’introduire une réclamation auprès de la CNIL et de former un recours juridictionnel.

Les modalités de communication des données sont susceptibles de différer selon la forme prise par la demande du salarié : 

  • Si la demande est formulée sur place et que l’employeur ne peut pas y apporter une réponse immédiatement, il doit remettre au salarié un avis de réception daté et signé.
  • Si la demande est formulée par voie électronique, les informations sont fournies sous une forme électronique d’usage courant, à moins que le salarié ne demande qu’il en soit autrement. Dans ce dernier cas, l’employeur doit rester attentif aux modalités de transmission des informations qui doivent se faire de manière sécurisée.

En cas de défaut de réponse dans les conditions et délais (un ou trois mois selon le cas) légaux, ou en cas de réponse incomplète, le salarié se voit reconnaitre la possibilité d’introduire une réclamation auprès de la CNIL et/ou de former un recours juridictionnel à l’encontre de son employeur. Le salarié peut également utiliser les voies judiciaires pour contraindre le responsable du traitement de s’exécuter.

A défaut de procéder à une communication complète des données traitées, l’employeur commettrait un manquement aux dispositions de l’article 15 du RGPD, lequel expose son auteur à une amende administrative pouvant s’élever jusqu’à 20 000 000 euros ou 4% du chiffre d’affaire annuel mondial total de l’exercice précédent, le montant le plus élevé étant retenu.

Mise en place du CSE : l’échéance est proche !

La ministre du travail, Muriel PENICAUD, a confirmé qu’aucun report de la date butoir fixée au 31 décembre 2019 pour l’élection du comité social et économique ne serait accordé. 

Pour rappel, le CSE a été créé par l’ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 complétée par le décret d’application n°2017-1819du 29 décembre 2017. Il est obligatoire pour toute entreprise dont l’effectif dépasse 11 salariés pendant 12 mois consécutifs. 

Dans les entreprises déjà pourvues d’institutions représentatives du personnel, la transition vers le CSE devra avoir été effectuée au 31 décembre 2019 et au 1er janvier 2020 tous les anciens mandats auront donc pris fin.

Muriel PENICAUD a indiqué que la période de transition – 2 ans et demi – laissée aux entreprises pour mettre en place le CSE avait été suffisante. 

Le fait de ne pas élire un CSE est d’une part sanctionné sur le plan pénal : il peut être constitutif du délit d’entrave (article L.2317-1 du Code du travail) et sanctionné par un an d’emprisonnement et 7.500€ d’amende (la responsabilité pénale de l’employeur n’est cependant pas automatiquement engagée, dès lors que le droit pénal est d’interprétation stricte).

D’autre part, sur le plan civil en revanche, une organisation syndicale ou un salarié pourrait solliciter des dommages-intérêts à l’encontre de l’employeur s’étant opposé à l’élection du CSE. La responsabilité de l’employeur est aisément engagée, car la Cour de cassation considère que l’absence de CSE résulte en une privation de toute représentation et de défense des droits des salariés (Cass. Soc. 15/05/2019 n°17-22.224), ce qui leur cause nécessairement un préjudice.

Enfin, sur le plan pratique, le CSE doit être consulté et informé au préalable de certaines décisions que doit prendre l’employeur (par exemple, dans le cadre d’un licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle, ou pour accident du travail, sous peine d’être condamné au versement d’une indemnité correspondant à 6 mois de salaires).

L’importante rédaction des clauses de rémunération variable : l’art du scribe n’est pas mort!

 Cass. Soc., 6 nov. 2019, n°18-13684 et 18-18301

Aux termes des deux arrêts visés, la Cour de cassation critique les clauses de rémunération variable insuffisamment précises ou détaillées qui laisseraient à l’employeur le pouvoir de réduire, même indirectement, le montant maximal initialement stipulé.

Dans la première affaire, un salarié du secteur de la banque bénéficiait de plusieurs rémunérations variables. Son contrat de travail prévoyait l’octroi d’un « bonus discrétionnaire déterminé en fonction des performances du salarié et du groupe au cours de l’année ». Sur cette base, l’employeur estimait qu’il pouvait librement déterminer les conditions de paiement du bonus, dès lors que celles-ci reposaient sur des critères objectifs et pertinents portés à la connaissance du salarié. L’employeur déclinait donc les modalités d’octroi de ce bonus discrétionnaire en appliquant un plan de rémunération conclu au niveau du groupe. Ce plan prévoyait que lorsque l’activité dégageait des bénéfices au cours d’une année, les salariés bénéficiaient d’un bonus payable immédiatement ainsi que d’un bonus placé sur un compte de rémunération différée donnant lieu à paiement différé et conditionné à l’absence de pertes ultérieures. Ce plan se conformait en outre aux prescriptions du Règlement n°97-02 du 21 février 1997 relatif au contrôle interne des établissements de crédit et des entreprises d’investissement. En application de ces normes et du plan défini au niveau du groupe, l’employeur avait réduit le montant du bonus placé sur le compte différé en raison des pertes enregistrées l’exercice suivant. La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 25 janvier 2018, condamne l’employeur à un rappel de bonus. Se pourvoyant en cassation, l’entreprise fait valoir le caractère discrétionnaire du bonus, l’objectivité et la pertinence des critères retenus ainsi que les prescriptions règlementaires applicables au secteur bancaire concernant les rémunérations variables affectées à un compte différé, imposant de réduire en cas de perte le montant alloué. La Cour de cassation rejette les arguments et considère que « dès lors que le contrat prévoit l’attribution d’un bonus déterminé en fonction des performances de l’année précédente du salarié et du groupe, le montant alloué et placé sur un compte différé ne peut être affecté par les pertes ultérieures, peu important les dispositions d’un règlement non applicable au litige ». La décision de la Cour de cassation rappelle que le bonus acquis ne peut dépendre, ni être remis en cause, même partiellement, par les pertes de l’entreprise ni par l’application d’un règlement sectoriel. Elle met encore en évidence le risque afférent aux clauses insuffisamment précises, quand bien même le bonus serait qualifié de discrétionnaire.

Le second arrêt concerne encore un salarié ayant vu le montant de sa rémunération variable réduit en raison des charges d’exploitation de l’entreprise. Le contrat de travail de l’intéressé prévoyait en effet l’octroi d’un bonus basé sur le revenu de l’entreprise « déduction faite des différentes charges d’exploitation ». La clause visait « l’ensemble des charges d’exploitation afférentes à la société, de l’exercice considéré et notamment… ». Considérant la clause insuffisamment précise en raison de l’adverbe « notamment », la cour d’appel estime qu’une telle stipulation s’avère potestative et, par suite, inopposable au salarié. Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation se range à l’avis de la cour d’appel qui « interprétant l’avenant au contrat (…) a relevé que le montant du bonus était déterminé en prenant en compte des charges supportées par la société qui n’étaient pas énumérées de manière exhaustive, et estimé que les modalités de calcul des éléments venant en déduction du bonus étaient imprécises et invérifiables ». Dès lors, le salarié était fondé à obtenir le paiement du bonus dans la limite du plafond fixé et selon le mode de calcul apparu le meilleur. Là encore, la Cour de cassation n’interdit pas le fait que les rémunérations variables puissent dépendre du résultat de l’entreprise (diminué de ses pertes ou charges) mais rappelle l’impérieuse nécessité de libeller les clauses avec clarté et précision. A défaut de modalités précises, les clauses peuvent ainsi être jugées inopposables aux salariés.

Ces deux arrêts rappellent l’importance capitale à rédiger les clauses de rémunération variable de manière précise et détaillée. Cette rédaction relève très certainement d’un art dont les arcanes ne sauraient être laissés à des rédacteurs peu avisés.

 

Groupe de reclassement : le critère de permutabilité perméable à souhait !

Cass. Soc., 16 oct. 2019, n°18-13906 et 23 oct. 2019, n°18-11519

Aux termes de deux arrêts rendus à une semaine d’intervalle, la Cour de cassation apporte des illustrations de l’appréciation du critère de permutabilité du personnel.

Dans la première affaire, une femme de chambre avait été licenciée pour inaptitude. Estimant que les recherches de reclassement n’avaient pas été poursuivies auprès de l’ensemble des entreprises du réseau hôtelier, la salariée saisit le conseil de prud’hommes. En cause d’appel, les magistrats jugent son licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que l’employeur ne démontrait pas son impossibilité d’assurer une permutation de personnel entre les établissements adhérents au réseau. La société se pourvoit en cassation, arguant notamment du fait que la cour d’appel avait fait peser la charge de la preuve du périmètre de reclassement sur le seul employeur. La Cour de cassation se range à la décision des juges du fond et rejette le pourvoi. Elle juge que l’existence d’un groupe de reclassement a pu valablement être déduite « de l’identité d’activité des membres du réseau dont faisait partie l’employeur, du rapprochement de leur organisation et de la situation géographique de leurs lieux d’exploitation ». Le critère de permutabilité n’est ici aucunement repris par la Cour de cassation, laquelle semble même l’occulter au profit du « service organisé » entre les entreprises du réseau. Une telle omission laisse perplexe. Est-ce à dire qu’en présence d’un réseau d’entreprises, le critère de permutabilité de personnel peut simplement être déduit de l’identité d’activités, d’organisation et de lieux ? Dans une telle hypothèse, la question de la charge de la preuve de la permutabilité du personnel, qui était avancée comme moyen au pourvoi, n’a dès lors plus d’importance. Il ne reste plus en effet à l’employeur qu’à combattre cette « présomption » en apportant la preuve contraire, c’est-à-dire en démontrant l’impossibilité d’assurer une permutation du personnel. Une telle solution n’est pas nouvelle (Cass. soc. 22 sept. 2016 n° 15-13849). Elle n’en appelle pas moins une observation en ce qu’elle prend le contrepied de la jurisprudence rendue en présence d’entreprises franchisées (Cass. soc. 15 mars 2017, n° 15-24392) ou encore en présence d’entreprises adhérentes à un réseau en matière de licenciement économique (Cass. soc. 16 nov. 2016, n°14-30063). Une certaine insécurité juridique plane ainsi sur la tête des employeurs appartenant à un réseau. 

Pour autant, l’office des juges du fond n’en reste pas moins rigoureux, notamment dans l’appréhension des autres critères que sont l’identité d’activités, d’organisation et de lieux. Ainsi, dans la seconde affaire du 23 octobre 2019, une salariée ayant fait l’objet d’un licenciement pour motif économique prétendait que son employeur n’avait pas respecté son obligation de reclassement. A ce titre, la salariée visait une autre entreprise qui non seulement était dirigée par le même gérant mais qui, encore, assurait la gestion administrative de son employeur. Déboutée par la cour d’appel, l’intéressée se pourvoit en cassation. La Cour de cassation rappelle déjà qu’en matière de périmètre de reclassement, la preuve est partagée entre l’employeur et le salarié. Sur la base des éléments de preuve rapportés ainsi par les parties, la Cour de cassation rejette le pourvoi et juge que l’identité de direction, c’est-à-dire la présence d’un même gérant, est insuffisante à caractériser la permutabilité du personnel entre les deux sociétés. Ici, le critère de permutation du personnel retrouve son importance.

En fonction des types de licenciement ainsi que de la structure des entités composant le groupe, le critère de permutabilité du personnel prend plus ou moins d’importance aux termes des différentes jurisprudences rendues. Cette insécurité juridique doit encourager à redoubler de vigilance, au besoin par l’intervention d’un audit sur le type de reclassement à déployer dans chaque cas. Une telle incertitude est peut-être toutefois sur le déclin. En effet, les ordonnances du 22 septembre 2017 dites Macron sont venues introduire dans le code du travail le critère de permutation du personnel dans chacun des trois textes relatifs à l’obligation de reclassement, qu’elle résulte d’une inaptitude professionnelle (C. Trav., art. L.1226-10), non professionnelle (C. Trav., art. L.1226-2) ou d’un licenciement économique (C. Trav., art. L.1233-4). Tant les justiciables que les juges ne pourront donc plus, a priori, faire l’économie de ce critère aujourd’hui textuel.

 

L’égalité H/F : le plan de rattrapage salarial qui repose sur des critères objectifs justifie une différence de traitement 

Cass. Soc. 6 novembre 2019, n°19-13.235, inédit

Le 6 novembre dernier, la Cour de cassation a rendu une décision sur le sujet brûlant de l’égalité hommes/femmes.

Le principe « à travail égal, salaire égal » assure l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes : les éléments de salaires doivent être déterminés en fonction de normes identiques pour les deux sexes, lorsque les salariés sont placés dans une situation identique de travail.

Cette notion de « situation identique » consiste en l’existence d’un ensemble comparable de connaissances professionnelles (un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle), de capacités découlant de l’expérience acquise ou de responsabilités. En cas de contentieux, les juges effectuent une comparaison in concreto des diplômes, des parcours professionnels, des missions, des tâches et des responsabilités des salariés.

En outre, la différence de traitement doit, pour être licite, reposer sur des règles préalablement définies et contrôlables. L’arrêt du 6 novembre dernier vient illustrer ce point particulier.

Une fois n’est pas coutume, un homme, recruté en qualité de formateur, estimait être victime d’une inégalité de traitement par rapport à une collègue, formatrice également. Tous deux recrutés, fin 1999/début 2000, avaient occupé le même emploi jusqu’en 2013.

L’employeur avait mis en œuvre un plan de rattrapage salarial destiné à assurer l’égalité entre les femmes et les hommes au sein de l’entreprise. A compter du 1er janvier 2008, il a donc revalorisé la rémunération de la salariée, à laquelle se comparaissait le demandeur, en tenant compte des diplômes acquis par cette dernière avant l’embauche (utiles à sa fonction et d’un niveau supérieur à ceux de l’intéressé) et de l’expérience antérieure dont elle justifiait au moment de son recrutement.

Le salarié considérait que ces critères ne pouvaient justifier une progression salariale plus rapide que la sienne.

Or, la Cour de cassation rejette le pourvoi du salarié et confirme la décision de la Cour d’appel. Dans le cadre du plan de rattrapage salarial mis en place par l’employeur entre 2008 et 2013, les diplômes et l’expérience acquise étaient bien des éléments objectifs et pertinents justifiant la différence de salaires entre les deux collègues.

 

Messagerie instantanée et secret des correspondances 

Cass. soc. 23 octobre 2019, n°17-28.448

Les messages issus de la messagerie instantanée installée par le salarié sur l’ordinateur professionnel sont strictement privés, tel est l’apport de l’arrêt de la Chambre sociale de la Cour de Cassation.

En l’espèce, il est reproché à une salariée d’avoir diffusé à des collègues de travail au moyen de la messagerie « MSN» qu’elle avait installée sur son ordinateur professionnel, des documents appartenant à l’entreprise.

L’employeur se fonde sur ces propos qui n’avaient pas été accompagnés de la mention « personnel » et dont il estimait qu’ils étaient présumés avoir un caractère professionnel, pour la licencier pour faute grave pour vol de documents. Etant précisé que l’employeur avait pu accéder à l’ordinateur professionnel à l’aide du code transmis par la salariée alors absente.

La cour d’appel écarte comme illicites les messages issus de la messagerie instantanée qu’elle considère protégés par le secret des correspondances, estimant qu’à l’évidence un tel compte de messagerie est personnel et distinct de la messagerie professionnelle sans qu’il soit besoin d’une mention « personnel » ou « conversation personnelle ». Elle en déduit que le licenciement de la salariée est abusif.

L’employeur forme un pourvoi et soulève les moyens suivants :

  • les échanges résultaient d’une correspondance échangée entre un salarié et ses collègues de travail sur leurs ordinateurs de travail, par la voie de la messagerie instantanée installée sur lesdits ordinateurs ; qu’il en résultait que ces messages instantanés étaient présumés avoir un caractère professionnel faute de les avoir été identifiés comme étant personnels ;
  • la circonstance que la messagerie instantanée installée sur l’outil informatique du salarié comporte certains messages de contenu personnel n’est pas de nature à écarter la présomption de caractère professionnel des messages échangés par le salarié par ce biais.

La Cour de Cassation rejette le pourvoi et approuve le raisonnement de la Cour d’Appel qui a constaté que « les messages électroniques litigieux, échangés au moyen d’une messagerie instantanée, provenaient d’une boîte à lettre électronique personnelle distincte de la messagerie professionnelle dont la salariée disposait pour les besoins de son activité », et qui en a « exactement déduits qu’ils étaient couverts par le secret des correspondances ».

En conséquence, l’employeur ne peut pas se servir de courriels émanant d’une messagerie instantanée issue d’une messagerie personnelle pour sanctionner un salarié, ni comme mode de preuve dans le cadre d’un contentieux prud’homal.

La décision aurait sans doute été différente s’agissant d’une messagerie instantanée installée par l’entreprise, dans la mesure où l’outil informatique mis à la disposition du salarié pour les besoins de son travail est présumé avoir un caractère professionnel.

 

Confirmation de la réticence la Cour de Cassation à reconnaître le coemploi en dehors de tout lien de subordination

Cass. soc., 9 oct. 2019, no 17-28.150

La complexité des structures de direction dans les groupes soulève des difficultés lorsqu’il s’agit de déterminer l’entité qui doit assumer les obligations imposées à l’employeur par le droit du travail.

Face à cette réalité, la jurisprudence fait preuve de pragmatisme et énonce un principe d’étanchéité entre les structures juridiques, tout en réservant au salarié la possibilité de se prévaloir d’un contrat de travail, non pas avec le groupe, mais avec plusieurs co-employeurs.

Il peut y avoir coemploi soit lorsque, dans le cadre d’un même contrat de travail, le salarié est dans un rapport de subordination avec plusieurs employeurs, soit lorsqu’il existe une confusion d’intérêts, d’activité ou de direction entre l’employeur du salarié et une autre personne physique ou morale.

En dehors d’un lien de subordination, la Cour de Cassation se montre très réticente à admettre le coemploi, notamment lorsque celui-ci est revendiqué par des salariés licenciés dans le cadre d’un redressement judiciaire. 

En effet, au cas d’espèce, les juges du fond avaient admis la situation de co emploi considérant « d’une part, que les conventions conclues entre les parties ont favorisé une imbrication des comptes et mis directement en cause les prérogatives comptables d’une société qui ne disposait plus, au regard de cette immixtion dans sa gestion économique, de la moindre autonomie en la matière, et d’autre part, qu’il existait entre les patrimoines des sociétés du groupe des relations financières anormales caractérisées par des mouvements financiers sans contrepartie, dans le dessein ou avec l’effet d’avantager les patrimoines des sociétés mère et grand-mère au détriment du patrimoine de la filiale et constitutives d’une confusion des patrimoines ».

Or, selon la Cour de Cassation « la centralisation de services supports, des remontées de dividendes, des conventions de trésorerie et de compensation, des dettes non réglées à la filiale, des facturations de prestations de services partiellement sans contrepartie pour ladite filiale, la maîtrise de la facturation de celle-ci durant une période limitée dans le temps et l’octroi d’une prime exceptionnelle aux salariés de la filiale  ne pouvaient caractériser une situation de co-emploi ».

Cet arrêt confirme le frein de la Cour de Cassation aux décisions de juridictions du fond qui admettaient trop facilement une situation de coemploi (Cass. soc., 2 juill. 2014, n° 13-15.208 à n° 13-21.153 ; Cass. soc., 6 juill. 2016, n° 14.27.266 ; Cass. soc., 6 juill. 2016, n° 14-26.541 ; Cass. soc., 6 juill. 2016, n° 15-15.481 ; Cass. soc., 9 oct. 2019, n° 17-28.150).