Alors que les plateformes de mise en relation ne cessent de fleurir et ce, dans de nombreux domaines, le secteur pharmaceutique n’a pas échappé à cette tendance. Compte tenu de la règlementation stricte applicable à la vente de médicaments, la licéité du recours à de telles plateformes pour ce type de vente interroge. En particulier, une telle pratique est-elle compatible avec l’interdiction de la vente en ligne de médicaments non soumis à prescription médicale par une personne n’ayant pas la qualité de pharmacien ?
En l’occurrence, l’affaire concernait le site internet Doctipharma (devenue DocMorris) qui mettait en relation des pharmaciens et des patients potentiels pour l’achat de médicaments non soumis à prescription médicale. La particularité de Doctipharma résidait dans le fait que l’achat des médicaments était réalisé à partir des sites internet des pharmacies partenaires, créés et hébergés via Doctipharma.
Considérant que le site litigieux reviendrait à faire participer Doctipharma au commerce électronique de médicaments, sans avoir la qualité de pharmacien, et donc en violation des dispositions du Code de la santé publique (article L.5125-25 et -26), l’Union des groupements de pharmaciens d’officine a porté l’affaire en justice.
Que retenir de la position de la CJUE ?
La CJUE a d’abord qualifié la plateforme de Doctipharma de « service de la société de l’information » au sens du droit de l’Union, c’est-à-dire un « service presté normalement contre rémunération, à distance, par voie électronique et à la demande individuelle d’un destinataire de services ». A cet égard, les juges européens ont notamment relevé que « ce service est presté, d’une part, à la demande individuelle des pharmaciens, ceux-ci devant souscrire au site Internet de Doctipharma pour pouvoir bénéficier dudit service, et, d’autre part, à la demande individuelle des clients, ceux-ci devant créer un compte client pour pouvoir accéder aux sites des pharmaciens de leur choix en vue d’acheter, sur commande, des médicaments non soumis à prescription médicale ». Aussi, pour la CJUE, la vente à distance de tels médicaments via un service de la société de l’information doit pouvoir, par principe, être autorisée.
La CJUE a ensuite indiqué qu’il fallait s’intéresser au rôle joué par la plateforme dans le cadre de la vente de médicaments non soumis à prescription médicale.
- Soit la plateforme (ne possédant pas la qualité de pharmacien) procède elle-même à la vente des médicaments non soumis à prescription, ce qui peut justifier l’interdiction d’une telle pratique ;
- Soit la plateforme se borne, par une prestation propre et distincte de la vente, à mettre en relation des pharmaciens et des patients potentiels, pratique qui ne peut être interdite « au motif [que la plateforme participe] au commerce électronique de vente de médicaments sans avoir la qualité de pharmacien ».
Cette solution nous donne ainsi des éclairages précieux pour apprécier la licéité du recours à une plateforme de mise en relation pour la vente en ligne de médicaments non soumis à prescription médicale : (i) le recours à des plateformes agissant comme simples intermédiaires, ne procédant pas elles-mêmes à la vente serait licite, (ii) tandis que le recours à des plateformes effectuant elles-mêmes la vente en ligne serait illicite. La décision de la Cour d’appel de Paris permettra d’aller encore plus loin en appréhendant, factuellement, les critères qui pourront justifier précisément ce rôle joué par la plateforme, de simple intermédiaire versus celui de vendeur (par exemple : l’existence ou non de moyens de contrôle des ventes par la plateforme, la mise à disposition d’une solution de paiement, etc.). A suivre…
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