Décision n° 2016-536 QPC du 19 février 2016 – Ligue des droits de l’homme
Le 19 février 2016, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur deux questions prioritaires de constitutionnalité portant sur l’état d’urgence.
A l’initiative de la Ligue des droits de l’Homme, celui-ci était appelé à se prononcer sur la conformité à la Constitution de certaines dispositions de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence permettant à l’autorité administrative, lorsque l’état d’urgence a été déclaré, d’ordonner des perquisitions et de copier des données stockées dans un système informatique auxquelles les perquisitions donnent accès.
Ces dispositions ont été introduites par la loi du 20 novembre 2015 modifiant la loi sur l’état d’urgence, afin de donner un cadre juridique aux opérations de saisies de données informatiques pratiquées dans le cadre des perquisitions administratives autorisées par l’état d’urgence.
Dans sa décision n° 2016-536, le Conseil Constitutionnel a jugé ces dispositions contraires à la Constitution car elles ne prévoient pas de garanties suffisantes « propres à concilier sauvegarde de l’ordre public et droit au respect de la vie privée ».
Le Conseil Constitutionnel relève que dans le dispositif censuré, « l’exploitation des données collectées n’est pas autorisées par un juge, y compris lorsque l’occupant du lieu perquisitionné ou le propriétaire des données s’y oppose et alors même qu’aucune infraction n’est constatée » ; qu’au demeurant la saisie peut s’étendre à des données de personnes sans lien avec la menace, du fait simplement qu’elles fréquentent les lieux perquisitionnés ; et enfin que la conservation des données saisies ne fait l’objet d’aucune garantie de sécurité ou de confidentialité.
Les dispositions censurées s’inspiraient de l’article 57-1 du code de procédure pénale qui autorise la collecte de preuves électroniques par les officiers de police judiciaire chargés de la perquisition.
Le problème que relève le Conseil Constitutionnel dans sa décision est que la perquisition de l’état d’urgence, et les saisies de données informatiques qu’elle permet, s’inscrivent dans le cadre préventif de la police administrative. Elles ne constituent pas une perquisition de police judiciaire, avec les garanties qui y sont associées.
En défense du texte, le Gouvernement avançait l’argument selon lequel la copie de données informatiques ne constitue pas une mesure de saisie et qu’en conséquence, la transformation de la perquisition en perquisition de police judiciaire n’était pas nécessaire. Le Conseil Constitutionnel rejette cet argument, considérant que « copie » et saisie de données informatiques désignent la même réalité pratique.
Par cette décision, le Conseil Constitutionnel invite le Législateur à revoir sa copie : la saisie administrative de données n’est pas prohibée dans son principe, mais cette mesure doit être assortie de garanties suffisantes de la vie privée des personnes impactées ce qui n’est, à ce jour, pas le cas dans le cadre de l’état d’urgence.