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La Cour de cassation apporte des précisions quant à l’évaluation du préjudice en cas de contrefaçon de logiciels

02 mai 2017 | Derriennic Associés|

 

Cour de cassation, Chambre criminelle, Arrêt du 19 avril  2017, Pourvoi n°°16-86140

Un arrêt de Cour de cassation du 19 avril 2017, n°16-86140, a précisé l’étendue du pouvoir des juges du fond dans l’évaluation du préjudice résultant de la contrefaçon d’un logiciel. Il a aussi été question de savoir dans quelle mesure une Cour d’appel, sur le seul appel de la partie civile, était en mesure de rehausser un chef de préjudice et d’en baisser un autre.

Dans cette affaire, un particulier a vendu  13 653 logiciels Windows en mode OEM (Original Equipment Manufacturer, c’est-à-dire les logiciels Windows préinstallés sur une machine et théoriquement non transférables). Ces logiciels étaient des contrefaçons.

Microsoft s’est constituée partie civile au sein de l’instance pénale contre ce particulier, qui a été déclaré coupable par le tribunal correctionnel et condamné à verser à Microsoft :

  • 156 000 euros en réparation du préjudice matériel ;
  • 92 000 euros en réparation de l’atteinte au droit d’auteur, de l’atteinte aux marques et du préjudice moral.

Microsoft fait appel de cet arrêt.

La Cour d’appel réévalue le préjudice matériel de Microsoft à 819 855,75 euros, en se basant sur le prix des logiciels contrefaits, mais réduit ses autres chefs de préjudices à un total de 10 000 euros.

Le particulier et Microsoft forment un pourvoi contre cet arrêt, mais seul le pourvoi formé par Microsoft sera déclaré recevable par la Cour d’appel, celui du particulier ayant été tardif.

Microsoft reproche à la Cour d’appel d’avoir calculé son préjudice matériel sur la base du prix des logiciels OEM, et pas sur celui des logiciels FFP (Full Package Product, c’est-à-dire les logiciels transférables), plus chers de 25%.

La Cour de cassation lui répond que, dès lors que l’indemnisation n’était pas inférieur aux droits qui auraient été dus si l’auteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte, la Cour d’appel, qui a souverainement apprécié que les logiciels vendus par le particulier correspondaient à des logiciels de type OEM non transférables, a justifié sa décision. Ainsi, le type des logiciels contrefaits relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.

Microsoft rapproche aussi à la Cour d’appel d’avoir réduit ses autres préjudices de 97 000 à 10 000 euros.

La Cour de cassation lui donne raison en affirmant que la Cour d’appel a aggravé le sort de la partie civile, seule appelante, or la Cour d’appel ne peut modifier un jugement dans un sens défavorable à la partie civile dans un tel cas.

La Cour de cassation casse donc partiellement l’arrêt d’appel, sur ce dernier point.

On note que si la Cour d’appel a effectivement réévalué à la baisse certains préjudices, elle a rehaussé, au global, le montant des dommages et intérêts totaux prononcés par le tribunal correctionnel. Cet arrêt va donc clairement dans un sens favorable à la victime.