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Du point de départ du délai de prescription triennal de l’action en revendication de brevets français ET européen

03 janvier 2014 | Derriennic Associés |

Lien vers la décision

(Cour de cassation, Chambre commerciale, 7/01/2014, n°12-28883)
Une personne physique, M. X, dépose en 1998 une demande de brevet français sur une innovation dont il se déclare l’inventeur puis, un an plus tard, une demande de brevet européen sur la même innovation (une « porte basculante motorisée à ressorts latéraux ou pistons à gaz »). Il est fait droit à la première demande le 2 juin 2000 puis, pour la seconde, le 3 juillet 2002.

Un autre individu, M. Y, qui avait entretenu pendant plusieurs années des relations professionnelles avec le déposant des demandes de brevet, a ensuite fait valoir que M. X ne pouvait prétendre être l’unique titulaire de droits sur l’innovation brevetée, M. Y affirmant avoir grandement contribué à sa conception. Il a, de ce fait, assigné au principal son ancien partenaire le 17 juin 2004, en revendication des brevets français et européen, en annulation du contrat antérieurement formé avec M. X et en paiement de diverses sommes.

La Cour d’appel de Colmar a rejeté l’ensemble des moyens et prétentions de M. Y, considérant que son action était irrecevable car prescrite. Effectivement, l’article L.611-8 du Code de la Propriété Intellectuelle dispose que cette action se prescrit par trois ans à compter de la délivrance du titre de propriété industrielle, à savoir le brevet.

C’est au visa des articles L. 611-8 et L. 614-13 du Code de la propriété intellectuelle et des articles 2 et 64 de la convention de Munich sur le brevet européen que la chambre commerciale de la Cour de cassation censure la décision de la cour d’appel de Colmar. Cette dernière, pour déclarer prescrite l’action en revendication du brevet européen, retenait que le délai pour agir de M. Y avait commencé à courir à compter du jour de la délivrance du brevet français à M.X, alors que le brevet européen, en ce qu’il désigne notamment la France, s’était substitué totalement au brevet français à compter d’une date antérieure (3 juillet 2002) à l’introduction de l’action en revendication (17 juin 2004). Le délai de prescription triennal pour agir en revendication du titre européen n’ayant commencé à courir qu’à compter de la publication de la mention de la délivrance du brevet européen, l’action n’était donc pas prescrite.

On notera que l’article L. 611-8 du CPI offre une exception au principe de cette prescription courte. La notion de mauvaise foi permet au demandeur à l’action en revendication, s’il la prouve, de bénéficier d’une prescription nettement plus longue puisqu’elle est alors de trois ans à compter de l’expiration du titre et non de sa publication. Toutefois, cette exception s’applique surtout en matière de revendication d’une invention par un salarié, lorsque l’employeur a déposé un brevet alors qu’il savait que l’invention avait été réalisée par le salarié en-dehors d’un contrat de mission spécifique. Dans les autres domaines, cette mauvaise foi est, le plus souvent, difficilement démontrable et partant rarement accueillie par les juges.