(Cour de Cassation du 11 mars 2014, n° 13-11.706)
La décision
En l’espèce, différents messages ont été publiés sur le site internet « lesarnaques.com ». Ces messages ont été postés sous quatre adresses URL différentes mais faisait tous référence à une même société, la société « Le Partenaire européen », qui diffuse des annonces à caractère immobilier sur divers supports de communication.
Les dits messages contiennent des propos portant atteinte à son honneur et à sa considération, l’accusant directement ou par voie de reproduction, d’arnaquer ses clients, d’employer des méthodes douteuses, telles que la vente forcée ou l’offre de services inexistants.
La société visée, considérant que les messages précités revêtaient à son égard un caractère diffamatoire et suffisamment précis pour la désigner sans ambiguïté, a assigné le président de l’association créatrice de la société et le directeur de publication du site, pour voir supprimer les annonces précitées.
Ce sur quoi la Cour d’appel de Montpellier a considéré que :
• le caractère diffamatoire doit s’apprécier à l’aune de l’indivisibilité des messages postés dans le cadre d’un forum de discussion : chacun de ces messages doit ainsi être lu, interprété et compris à la lumière des autres auxquels il répond ou il sera répondu ;
• en l’espèce, la diffamation est avérée, et ce par différents éléments :
o l’insinuation que cette société délaisse ses clients, pratique de la publicité trompeuse et se fait rémunérer pour des services ne débouchant sur aucun résultat ;
o en laissant entendre l’existence d’une arnaque par cette société, abusant notamment de la faiblesse de certains clients ;
o enfin, en insinuant l’infiltration par cette société de forum de discussions, tel que celui dirigé par l’intimé, par des « taupes » ;
• le fait que le site soit dénommé « lesarnaques.com », et ait pour objet premier de créer sur un même sujet, en l’occurrence les pratiques de la société en cause, une interactivité entre les internautes.
Cet arrêt a pourtant fait l’objet d’une décision de cassation.
La Cour de cassation a fait application du principe selon lequel pour être diffamatoire, une allégation ou une imputation doit se présenter sous la forme d’une articulation précise de faits de nature à être sans difficulté, l’objet d’une preuve ou d’un débat contradictoire.
La position de la Cour d’appel de Montpellier n’est donc pas l’analyse suivie par la Haute juridiction, qui censure sa décision dans un arrêt du 11 mars 2014, au visa des articles 29 de la loi du 29 juillet 1881 et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Selon la Cour de cassation : « en retenant que la diffamation doit s’apprécier à l’aune de l’indivisibilité de ces messages qui doivent être lus, interprétés et compris à la lumière des autres auxquels ils répondent ou il sera répondu, sans caractériser pour chacun d’eux l’allégation de faits de nature à être sans difficulté, l’objet d’une preuve ou d’un débat contradictoire, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
Le critère retenu par la Cour de cassation est donc la caractérisation individuelle du caractère diffamatoire de chaque message, présenté sous la forme d’une articulation précise de faits de nature à être sans difficulté l’objet d’une preuve ou d’un débat contradictoire.