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Mécanisme extrajudiciaire en matière d’enregistrement de nom de domaine et de contrefaçon de marque de l’Union et contrôle du juge judiciaire

03 décembre 2016 | Derriennic Associés|

CA Paris, Pôle 5 Ch. 1, 8 nov. 2016

Depuis 1999, l’ICANN a mis en place une procédure extrajudiciaire de règlement des litiges dite « UDRP » (Uniform Domain-Name Dispute-Resolution Policy) permettant aux titulaires de marque de saisir notamment le centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), afin de s’opposer à la réservation frauduleuse de leur signe sous forme de nom de domaine, notamment en .com.

Le plaignant pourra obtenir le transfert à son profit du nom de domaine, s’il rapporte la preuve des trois conditions suivantes :

  • le nom de domaine est identique ou présente un risque de confusion avec sa marque
  • le titulaire du nom de domaine ne dispose d’aucun droit ou intérêt légitime au regard du nom de domaine
  • le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.

En l’espèce, une société suédoise de téléphonie mobile est titulaire d’une marque verbale communautaire dénommée « Moobitalk » depuis février 2011, déposée dans la classe n°38 « Télécommunications ». En avril 2011, le nom de domaine « moobitalk.com » est enregistré auprès d’OVH, par un homme d’affaires exerçant au Proche et Moyen-Orient, qui propose des services de communications autour du suffixe « Moobi », tels que les services de discussions « MoobiChat » et « Moobitalk ». Le centre de médiation de l’OMPI est saisi dans le cadre de la procédure UDRP, et ordonne le transfert du nom de domaine au profit de la société suédoise, considérant que les trois conditions énoncées sont réunies. Suite à cette décision, le défendeur a saisi le Tribunal de grande instance de Paris, qui a confirmé la position de l’OMPI. Le titulaire d’origine du nom de domaine a, dès lors, interjeté appel de ce jugement.

La Cour d’appel de Paris a, par un arrêt du 8 novembre 2016, infirmé les solutions précédentes, et notamment celle rendue par l’OMPI. Elle se prononce d’abord sur la contrefaçon, en rappelant que le titulaire de la marque a un droit exclusif qui l’habilite à faire interdire à un tiers de faire usage dans la vie des affaires d’un signe identique pour des produits ou services identiques pour lesquelles la marque est enregistré, et que toute violation de ce principe constitue une contrefaçon. Si elle constate que ces services sont bien identiques, elle estime toutefois que cet usage ne peut constituer la contrefaçon d’une marque produisant ses effets dans l’union européenne que si « le public visé par le site litigieux » est lui-même situé dans cette zone.  Or, la Cour observe que l’extension générique .com est dépourvue de signification géographique et ne démontre en rien la volonté de toucher une cible européenne, pas plus que la traduction en langue anglaise de certains onglets du site lié au nom de domaine litigieux.

Puis, après avoir balayé les arguments relatifs à la réservation et l’usage frauduleux du nom de domaine, en considérant que la réservation de ce nom de domaine n’est pas en soi révélateur d’une intention frauduleuse, la Cour ordonne la restitution du nom de domaine au profit de son titulaire originaire.

Lien vers la décision