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Métamoteur de recherche dédié et protection des bases de données 

17 janvier 2014 | Derriennic Associés|

CJUE, 19 décembre 2013, Innoweb c/ Wegener, n°C-202/12

Le litige concernait deux sites internet permettant aux utilisateurs de trouver des annonces de voitures d’occasion : un site internet de recueil d’annonces (avec une exclusivité sur un certain nombre d’entre elles), sur lequel l’internaute peut effectuer une recherche ciblée sur la base de différents critères, exploité par la société Wegener ; un site internet offrant un métamoteur de recherche dédié à la recherche de telles annonces et exploité par la société Innoweb.

Un métamoteur de recherche dédié est un moteur de recherche spécialisé qui diffère des moteurs de recherche généraux, tels que Google, dans la mesure où il n’a pas de moteur de recherche propre mais utilise les moteurs de recherches d’autres sites internet en transférant, en temps réel, les requêtes de ses utilisateurs vers ces autres moteurs de recherches et offrant des avantages similaires à ceux de la base de données elle-même. L’internaute peut donc, par une seule requête déposée sur le site d’Innoweb, opérer simultanément des recherches dans plusieurs recueils d’annonces de vente de voitures figurant sur des sites tiers, dont celui de Wegener. Les résultats trouvés sur le site de Wegener se retrouvent parmi les résultats d’autres sites proposant les mêmes annonces. La liste de ces résultats réunis figure sur une page internet affichant aussi les informations essentielles relatives à chaque voiture et qui est envoyée ou présentée à l’utilisateur sous l’apparence du site de Innoweb.

Wegener a considéré qu’une telle activité portait atteinte à son droit sui generis relatif aux bases de données et a alors assigné Innoweb. Wegener ayant obtenu gain de cause en première instance, Innoweb a fait appel de la décision.

C’est dans ce cadre que la juridiction d’appel saisie du litige a interrogé la CJUE sur l’interprétation de l’article 7 de la directive 96/9/CE du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données. Ce texte permet au fabricant d’une base de données d’interdire la réutilisation de la totalité ou d’une partie substantielle du contenu de celle-ci. La CJUE devait se prononcer sur le point de savoir si l’exploitant d’un métamoteur de recherche dédié, tel qu’Innoweb, procédait à une telle réutilisation.

La Cour a rappelé que la notion de « réutilisation » est une notion large (cf. sa jurisprudence et l’objectif de la directive qui réside dans la promotion de la mise en place de systèmes de stockage et de traitement de données afin de contribuer au développement du marché de l’information) : tout acte non autorisé de diffusion au public du contenu d’une base de données protégée ou d’une partie substantielle d’un tel contenu.

La CJUE considère que l’exploitant d’un métamoteur de recherche dédié tel que celui en cause fournit un dispositif permettant d’explorer toutes les données figurant dans une base de données protégée, par une autre voie que celle prévue par le fabricant de ladite base, tout en utilisant le moteur de recherche de la base et en offrant les mêmes avantages de recherche que la base elle-même.

Pour la Cour, cette activité risque de faire échapper au fabricant de la base de données des recettes, en particulier celles tirées de la publicité sur son site Internet : (i) l’utilisateur final n’ayant plus besoin de passer par la page d’accueil et le formulaire de recherche de la base de données, le fabricant peut percevoir moins de recettes provenant de la publicité apparaissant sur ceux-ci, notamment dans la mesure où il paraît plus profitable aux opérateurs de placer des annonces publicitaires en ligne sur le site Internet du métamoteur ; (ii) aussi les vendeurs pourraient se mettre à ne placer leurs annonces que dans une seule base, compte tenu de la possibilité de faire des recherches simultanément dans plusieurs bases de données à l’aide du métamoteur et de l’indication des doublons par celui-ci, si bien que les bases de données deviendraient moins volumineuses et, partant, moins attrayantes.

Elle souligne qu’une tel risque n’est pas écarté par le fait qu’il demeure, en principe, nécessaire de suivre l’hyperlien vers la page d’origine sur laquelle le résultat a été trouvé pour accéder à toutes les informations sur une voiture figurant sur une annonce, étant donné que les informations présentées par le métamoteur de recherche permettent à l’internaute de faire un certain tri entre les résultats trouvés et de constater qu’il ne lui est pas nécessaire d’obtenir plus d’informations sur un résultat particulier, qu’il accède à des informations plus détaillées sur une donnée trouvée sans suivre le lien vers la base de données concernée, lorsque cette donnée figure dans plusieurs bases de données couvertes par le métamoteur de recherche dédié.

La Cour relève qu’une telle activité se rapproche de la fabrication d’un produit concurrent « parasite », notion visée par le considérant 42 de la directive 96/9 précitée, sans, toutefois, copier les éléments figurant dans la base de données concernée.
Enfin, la Cour ajoute qu’il s’agit bien d’une mise à disposition qui s’adresse au «public», étant donné qu’un tel métamoteur de recherche dédié peut être utilisé par n’importe quelle personne et vise donc un nombre indéterminé de personnes, et que cette réutilisation porte sur une partie substantielle du contenu de la base de données concernée, voire sa totalité, étant donné qu’un tel métamoteur de recherche permet d’explorer le contenu entier de cette base de données, le nombre de résultats effectivement trouvés et affichés par requête de recherche introduite dans le métamoteur de recherche dédié étant sans importance.

Cette décision, favorable aux créateurs de bases données, donne une illustration de l’application de la directive aux évolutions technologiques. Il demeure néanmoins difficile de juger de sa portée à ce stade, qui pourrait être limitée aux métamoteurs de recherches dédiés tels que celui en cause ou, au contraire, concerner d’autres sites de « web scraping » (extraction de contenus de sites internet tiers) parasitaires.

Lien vers la décision