CONTACT

Neutralité du net : un premier arrêt de la CJUE !

12 octobre 2020 | Derriennic Associés |

CJUE du 15 septembre 2020 (affaires jointes C-807/18 et C-39/19)

C’est une première : par un arrêt du 15 septembre 2020, la CJUE a interprété le Règlement n°2015/2120 du 25 novembre 2015 consacrant l’ouverture de l’Internet (le « Règlement »).

Les faits étaient simples : un fournisseur d’accès à internet (FAI) propose à ses clients des offres limitées en termes de volume de données sauf pour certains services et applications « privilégiés » dont l’accès reste illimité, peu important que le volume de données ait été consommé ou non. En revanche, les services et applications « non privilégiés » voient leur accès bloqué ou ralenti si le volume de données consommé est dépassé.

Le régulateur local a sommé ce FAI de mettre une fin à une telle pratique considérant qu’elle viole le Règlement, en particulier son article 3, en ne respectant pas l’obligation générale de traitement égal et non discriminatoire du trafic.

Le FAI a contesté cette décision devant les juridictions compétentes lesquelles ont saisi la CJUE en interprétation de cet article.

La Cour a ainsi donné des précisions sur les dispositions et termes fondamentaux de ce texte (droits des utilisateurs finaux, accords, obligation de traitement égal et non discriminatoire du trafic, etc.).

Aussi, elle a considéré qu’une telle pratique de FAI est susceptible de limiter l’exercice des droits des utilisateurs finaux sur une partie significative du marché car :

  • d’un côté, elle augmente l’utilisation de certains services et applications « privilégiés », et de l’autre, elle diminue l’utilisation des autres services et applications « non privilégiés » (le FAI rendant leur utilisation techniquement plus difficile, voire impossible) ;
  • elle limite l’exercice des droits des utilisateurs finaux de façon importante, le phénomène s’accentuant avec le nombre d’utilisateurs concluant de telles offres.

La Cour a également jugé que des mesures de ralentissement ou de blocage du trafic fondées sur des considérations commerciales et non objectives (telles que des exigences techniques en termes de qualité de services, etc.), sont incompatibles avec le Règlement et ce, sans qu’il soit besoin de se livrer à une évaluation in concreto des conséquences de telles mesures sur l’exercice des droits des utilisateurs finaux.

Les conséquences de cette décision ne sont pas anodines quant à la licéité de certaines offres de FAI (notamment celles qui font fluctuer certains tarifs selon les applications concernées)…