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NTIC – Lettre d’actualité numéro 15

02 mai 2018 | Derriennic Associés|

DROIT DU NUMERIQUE / E-COMMERCE

Intelligence artificielle : l’enjeu de la responsabilité

Colloque CNEJITA – Intelligence artificielle : Qui sera responsable ? – 10 avril 2018

François-Pierre LANI est intervenu au Colloque lors de la table ronde juridique sur le thème : « La responsabilité contractuelle face à l’IA : gestion des risques lors de la contractualisation d’un système d’IA ». François-Pierre LANI s’est focalisé sur l’adaptation des règles contractuelles à mettre en œuvre entre les parties lorsqu’il s’agit de fournir un système d’IA.

La CNEJITA (Compagnie Nationale des Experts de Justice en Informatique et Techniques Associées) a organisé le 10 avril 2018 un colloque sur l’intelligence artificielle réunissant différents acteurs : magistrats, avocats, juristes, assureurs, entreprises, experts judiciaires ou encore chercheurs.

La table ronde juridique a présenté les enjeux liés à l’intelligence artificielle dans le droit, notamment sur la question de la qualification de l’intelligence artificielle ou encore des moyens de preuve qui seront difficiles à établir en cas de litige, tant l’autonomie d’apprentissage de l’intelligence artificielle empêche sa traçabilité.

Le sujet de la responsabilité délictuelle a également été abordé : nos différents régimes de responsabilité civile peuvent-ils s’adapter à l’intelligence artificielle ou sera-t-il nécessaire de créer une personnalité juridique propre à cette entité ? L’idée de remplacer le régime de responsabilité par un système d’indemnisation automatique où chaque acteur participera à un fond commun a été évoquée.

François-Pierre LANI est spécialement intervenu sur le thème de la responsabilité contractuelle face à l’intelligence artificielle. Le champ contractuel implique de nouveaux risques par la possibilité (relative) qu’ont les parties d’aménager les règles de responsabilité. François-Pierre LANI a donc proposé des pistes de réflexion afin d’encadrer la relation contractuelle dans un ensemble cohérent et solide.

La question de la normalisation est apparue centrale. En effet, permettre aux parties de se référencer à des règles communes propres aux spécificités de l’intelligence artificielle dans le contrat permettrait d’établir les règles de responsabilité en fonction de cette norme référentielle. Il est également important de se confronter à la question de l’imprévisibilité de l’intelligence artificielle qui serait, sauf faute lourde ou dolosive, exonératoire de responsabilité d’après le nouvel article 1231-3 du code civil. Enfin, François-Pierre LANI s’est arrêté sur le régime adéquat de protection intellectuelle à choisir afin de prévenir le risque d’engager sa responsabilité contractuelle. Face à la complexité du droit d’auteur, l’hypothèse de la brevetabilité de l’intelligence artificielle pourrait être retenue chez les parties.

Ce Colloque a démontré comment l’intelligence artificielle apparaît comme une entité complexe et hybride qui nécessite une grande stratégie d’adaptation autant économique, scientifique que juridique.

Open Innovation : acculturer les grands groupes aux startups

Syntec Camp – Open Innovation : bonnes pratiques et nouveaux chantiers – 10 avril 2018, organisé par Syntec Numérique

François-Pierre LANI est intervenu au Syntec Camp pour animer l’atelier participatif : « Comment contractualiser en Open Innovation ? ». Après différentes présentations sur les axes stratégiques et les évolutions managériales ou encore scientifiques liés à l’Open Innovation, François-Pierre LANI a apporté sa vision juridique sur le processus de contractualisation entre grands groupes et startups.

Syntec Numérique, syndicat professionnel du secteur du numérique, a organisé le 10 avril un Syntec Camp sur le thème de l’Open Innovation. Cette matinale a réuni différents acteurs, de grandes entreprises à startups, en traversant divers secteurs tels que la banque, le numérique ou la santé.

L’Open Innovation, désignant au départ le passage d’un modèle fermé, principalement dans la Recherche et Développement, à un modèle ouvert où les grandes entreprises commençaient à faire appel à des acteurs extérieurs pour des projets de collaboration, s’est étendue à d’autres secteurs avec une focalisation sur les partenariats grands groupes / startups. De nombreux retours d’expérience ont permis d’identifier la plus-value de tels projets de collaboration, autant pour développer des produits ou services que pour acculturer les grands groupes à une nouvelle manière de collaborer.

Dans son atelier juridique, François-Pierre a donné des axes de réflexion et conseils lorsqu’il s’agit de négocier et rédiger les contrats en Open Innovation entre un grand groupe et une startup :

  • Il est apparu qu’au moment de la contractualisation, la stratégie juridique devient souvent agressive de la part du grand groupe. A ce titre, il serait envisageable que les deux parties fondent leur relation sur une charte de bonnes pratiques, telle que celle rédigée par Syntec Numérique, afin de respecter les droits de chacun.
  • La clause de propriété intellectuelle dans le contrat entraîne souvent des conséquences en termes d’exclusivité et de non-concurrence. Il est nécessaire d’établir de façon claire les backgrounds des deux parties et l’avenir du foreground de la collaboration.
  • Afin de valoriser le ‘bien commun’, les parties pourraient s’inspirer des démarches en Open Source pour s’organiser. Créer une société en participation ou une ‘joint venture’ constituerait également une alternative afin de mettre les acteurs à un niveau d’équité face au projet.

Alors que l’Open Innovation continue de se développer, il semble que le chantier actuel réside dans ce besoin d’inculquer les bonnes pratiques aux acteurs afin que chacun, quel que soit son poids économique, puisse bénéficier de la collaboration.

Consommateurs européens : vers un renforcement d’une protection déjà renforcée

Communiqué de la Commission européenne du 11 avril 2018

Le 11 avril dernier, la Commission a présenté de nouvelles mesures pour moderniser et renforcer la protection des consommateurs de l’UE.

Si les règles européennes en la matière prévoient déjà une protection renforcée des consommateurs, l’objectif est de garantir que ces derniers jouiront bien pleinement des droits qui leur sont accordés.

Parmi les propositions, on relèvera :

  • des droits renforcés pour les achats en ligne : via une transparence accrue notamment avec une information claire du consommateur sur les places de marché en ligne (sur le point de savoir s’il bénéfice ou non de la protection du droit des consommateurs) et sur les résultats de recherches sur les plateformes en ligne (si un opérateur a payé pour apparaître dans les résultats de recherche), mais également l’extension du droit de rétractation et d’information existants pour les services payants aux services numériques dits « gratuits » (tels que les services de stockage en nuage, les médias sociaux, les comptes de messagerie électronique qui opèrent grâce à la fourniture de données à caractère personnel par les consommateurs) ;
  • des instruments permettant aux consommateurs de faire valoir leurs droits et d’obtenir une indemnisation : mise en place de recours collectifs au niveau européen par une entité qualifiée ; augmentation de la protection contre les pratiques commerciales déloyales ;
  • des sanctions effectives en cas de violation des règles de l’UE en matière de consommation : pouvoir donné aux autorités nationales de protection des consommateurs d’infliger de façon coordonnée des sanctions, notamment des amendes pouvant aller jusqu’à 4% du chiffre d’affaires annuel du prestataire dans chaque Etat membre concerné pour les infractions de grande ampleur préjudiciant à des consommateurs dans plusieurs Etas membres ;
  • le renforcement de la lutte contre la différence de qualité des produits de consommation dans plusieurs Etats membres : actualisation de la directive sur les pratiques commerciales déloyales ;
  • un cadre opérationnel des entreprises amélioré : les consommateurs ne pourront pas renvoyer des produits déjà utilisés, les entreprises n’auront pas à rembourser ces derniers tant qu’ils n’ont pas reçu les marchandises renvoyés, les professionnels pourront communiquer avec les consommateurs via des formulaires interactifs ou des forums de discussion si une trace des échanges peut être conservée par le consommateur.

Ces propositions, qui seraient lourdes de conséquences sur la pratique des professionnels, vont être prochainement examinées par le Parlement européen et le Conseil.

CONTRATS INFORMATIQUES

L’obligation de conseil du prestataire informatique peut être qualifiée d’obligation de résultat !

Un prestataire, assistant à maitrise d’ouvrage, peut-être tenu à une obligation de bonne fin dans le conseil sur le choix de la solution informatique et de l’intégrateur. Ayant souscrit à une obligation de conseil de résultat, il appartiendra au prestataire de démontrer que l’inexécution ne provient pas de l’exercice de sa mission et de justifier qu’il a délivré conseils et mises en garde, à toutes les étapes du projet, permettant au client de prendre les décisions adaptées aux circonstances.

Une société se fait accompagner par un prestataire A en vue de la refonte de son système informatique et la définition de ses besoins et lance un appel d’offre au terme duquel elle choisit un progiciel et signe un contrat d’intégration avec un prestataire B, pour la mise en œuvre. Le prestataire A poursuit son accompagnement à travers différentes conventions : contrats d’assistance à maitrise d’ouvrage, puis d’accompagnement pour la mise en place du système d’information et d’assistance au démarrage.

Après l’installation et la bascule sur le nouveau système, faisant face à l’impayé du solde de ses factures, le prestataire A assigne son client en paiement et le prestataire B intégrateur en garantie en cas d’éventuelle condamnation, le client reprochant au prestataire A de nombreux dysfonctionnements et manquements fonctionnels de la solution et son absence manifeste de conseils et de diligences.

Pour le prestataire A, l’obligation de conseil ne peut être que de moyens en raison de l’aléa : il n’était qu’assistant à maitrise d’ouvrage et en charge ni de la conception ni de la mise en œuvre, qui relevait de l’intégrateur, le client n’ayant pas émis de réserve lors de la réception.

Le Tribunal de commerce de Paris va faire droit au demandeur en relevant qu’il n’était pas démontré qu’il aurait manqué à son obligation de conseil, le client ayant validé l’adéquation du progiciel avec ses besoins fonctionnels et techniques, donné son feu vert («Go Live») pour l’intégration, et ne s’étant plaint de difficultés qu’après la mise en œuvre du progiciel.

La Cour d’appel va infirmer ce jugement, en différenciant dans son analyse les contrats signés et la teneur des obligations souscrites.

  • Elle considère qu’au titre du premier contrat, le client ne justifie pas d’une obligation de résultat dans la spécification des besoins, la rédaction du cahier des charges et le choix : la preuve d’un manquement lui incombait ;
  • A l’inverse, en qualité d’assistant à maitrise d’ouvrage, le prestataire était en charge du pilotage général et de l’encadrement de l’intégrateur, gérant les réunions, rédigeant les compte-rendu, validant les documents et définissant la stratégie de recette,… de la complexité de la mission et des termes du contrat, la Cour déduit une obligation de résultat. Il appartenait donc au prestataire de démontrer que l’inexécution ne provenait pas de lui et justifier qu’il avait délivré le conseil pour permettre au client de prendre une décision adaptée ou que le client avait délibérément contrevenu aux conseils qui lui étaient prodigués ;
  • Concernant les contrats d’accompagnement postérieurs, la Cour retient une obligation de bonne fin. Le prestataire devait s’assurer que les besoins du cahier de charges étaient couverts, que les compte-rendu permettaient de donner le «go live» et qu’il avait mis en garde son client. Il lui appartenait de justifier des difficultés qui ont fait obstacle à la bonne fin, or il ne justifie pas que le comportement de l’intégrateur présentait un caractère exonératoire de sa responsabilité, ou que l’accord entre le client et l’intégrateur ou que le comportement du client avaient ce caractère.

Concernant la réception sans réserve par le client de la solution après le go live, la cour d’appel considère que le prestataire ne peut se prévaloir des termes du contrat entre le client et l’intégrateur.

Concernant le préjudice, les juges vont considérer que le client ne peut justifier que sa perte de chiffre d’affaires serait en lien direct avec le défaut à l’obligation de conseil et vont ramener les dommages et intérêts à une somme qui viendra se compenser en pratique avec les sommes dues au titre des factures impayées.

Enfin, le prestataire ayant une obligation, issue de son contrat avec le client, ayant entrainé un préjudice distinct des manquements de l’intégrateur, ce dernier ne sera par conséquent pas condamner à le garantir.