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NTIC – Lettre d’actualité numéro 16

28 juin 2018 | Derriennic Associés|

DROIT DU NUMERIQUE

Fortes similitudes entre deux logiciels : dommages et intérêts pour concurrence déloyale

L’éditeur d’un logiciel présentant de fortes similitudes avec un logiciel concurrent, en en reprenant de manière fautive les fonctionnalités graphiques et éléments de design, est condamné sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire.

La société 3DVIA, ayant fait l’objet d’une transmission universelle de patrimoine et devenant DASSAULT SYSTEMES en 2017, a développé un logiciel d’aménagement intérieur en 3D, dénommé HomeByMe, lancé en mars 2014, après avoir été mis à disposition en version beta privée en 2012.

La société WANADEV, ayant eu accès à cette version, se serait, selon DASSAULT SYSTEMES, largement inspirée de ses fonctionnalités pour développer son propre logiciel d’aménagement intérieur en 3D, WANAPLAN, qu’elle a divulgué au public en octobre 2013, soit plusieurs mois avant la commercialisation de HomeByMe.

Parallèlement, dès 2012, 3DVIA se trouvait en négociation avec le groupe ADEO pour la commercialisation du logiciel HomeByMe. ADEO concluait finalement avec la société WANADEV en 2013, intégrant son logiciel WANAPLAN dans son site à disposition de ses clients, WANADEV ayant développé son logiciel plus rapidement.

DASSAULT SYSTEMES, estimant que le comportement de son concurrent ne relevait pas d’une observation des standards du marché mais d’une volonté de se placer dans son sillage et la devancer, en commercialisant avant elle et à moindre cout un logiciel équivalent, assignait la société WANADEV devant le Tribunal de commerce de Versailles et demandait l’octroi de 100.000 euros en réparation et l’interdiction de l’exploitation de WANAPLAN.

WANADEV fera évoluer WANAPLAN en 2015, après introduction de l’instance, le logiciel ne présentant plus alors les similitudes reprochées.

Pour WANADEV le simple fait de relever des similitudes entre deux logiciels ne permet pas d’établir des faits de concurrence déloyale ou parasitaire, il faut établir qu’elles relèvent d’agissements fautifs.

Le Tribunal va noter que trois collaborateurs de la société WANADEV avaient eu accès à la version beta privée de HomeByMe en 2012 et va considérer que les logiciels présentaient des similitudes apparentes « constituant une empreinte graphique originale ne correspondant pas à des éléments standards » et « un design très proche susceptible d’apporter une confusion sur l’identité du concepteur ». Pour les juges de première instance, « même si le langage de développement était différent, WANADEV a pu développer son logiciel dans un temps aussi court en s’inspirant du design et des fonctionnalités de celui de DASSAULT SYSTEMES » et a bénéficié d’un avantage concurrentiel dans ses relations avec ADEO. « Le fait d’avoir utilisé des éléments de design constitue des agissements fautifs, créant une distorsion de concurrence préjudiciable. »

La société WANADEV est condamnée à verser 50.000 euros de dommages et intérêts à DASSAULT SYSTEMES. Le Tribunal ordonnera également à WANADEV de cesser l’exploitation du logiciel mais dans sa version de 2013, antérieure aux modifications apportées en 2015.

A qui appartient le nom de domaine « France.com » ? La justice américaine est saisie

Depuis 1994, le nom de domaine « France.com » était réservé par un entrepreneur franco-américain. Le 12 mars 2018, il est passé entre les mains de l’Etat français, par décision de justice. Cependant, l’entrepreneur ne compte pas en rester là et a décidé d’assigner, devant un tribunal fédéral américain, l’Etat français, le Ministre des Affaires Etrangères, ainsi que Verisign, société qui gère les adresses « .com ».

Pendant 20 ans, le site « France.com », exploité par un entrepreneur privé, Jean-Noël Frydman a gagné en notoriété en proposant de l’aide et des conseils aux touristes qui visitent l’Hexagone. Atout France, l’agence de développement touristique de la France, a d’ailleurs plusieurs fois mis en avant l’activité du site « France.com », notamment en lui remettant le prix du meilleur tour operator en 2010.

En 2015, le Ministère des Affaires Etrangères français intente une action en justice contre M.Frydman, afin de récupérer le nom de domaine « France.com » sur le fondement, d’une part, du droit des marques (« France » étant une marque déposée) et d’autre part, de la concurrence déloyale, le site « France.com » concurrençant de manière déloyale le site d’Atout France.

En 2016, le TGI de Paris imposait à M. Frydman de ne plus utiliser le nom de domaine « France.com », jugement confirmé en appel en septembre 2017 sur le terrain du droit des marques. Pour la Cour «  l’appellation « France » constitue pour l’État français un élément d’identité assimilable au nom patronymique d’une personne physique ». Le nom de domaine « France.com » était transféré à l’Etat français mi-mars 2018 et « France.com » est actuellement redirigé vers « France.fr », le site officiel.

Cependant, la bataille judiciaire n’est pas terminée ! Mi-avril 2018, M. Frydman a décidé de saisir la justice américaine pour poursuivre l’Etat Français pour cybersquattage, et reprochant à la France de ne lui avoir payé aucune compensation pour la perte de l’URL.

Site internet professionnel : la clause limitative de responsabilité écartée !

Cour d’appel de Paris, Pôle 5, Chambre 10, Arrêt du 28 mai 2018, Répertoire général nº 16/11262

Un client ayant souscrit un contrat informatique pour la mise en place d’un site internet destiné à promouvoir son activité commerciale est considéré, dans le domaine concerné, comme « non professionnel » au sens du code de la consommation, écartant de ce fait l’application de la clause limitative de responsabilité.

Une société de vente et d’installation d’équipements thermiques et de climatisation signe en 2013, afin de promouvoir son activité commerciale, un ‘bon de commande valant contrat de prestation et de location d’une solution logicielle’ et cède sa créance à une société bailleur qui encaisse les mensualités. Considérant que le site internet ne correspondait pas à ses attentes et aux conditions contractuelles, le client met en demeure son prestataire d’exécuter ses obligations et cesse le paiement des échéances. Le bailleur résilie le contrat et sollicite la somme restant due. Le client assigne son prestataire devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins de prononcer la nullité du contrat.

Le Tribunal de commerce de Paris le 11 avril 2016 prononce la résolution judiciaire du contrat aux torts du prestataire et le condamne à payer au client les sommes versées indûment ainsi que 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.

Le prestataire et le bailleur interjettent appel, considérant que le client a manqué à son obligation de collaboration et rappelant que, si la responsabilité contractuelle était engagée, l’indemnisation  est contractuellement limitée à 1.000 euros. Le client demande lui une réparation au titre du gain manqué, soit 72.000€, sur la base de la marge unitaire des pertes moyennes de ventes mensuelles, la clause limitative de responsabilité devant être jugée comme non écrite et donc nulle. Il fait également état d’un déséquilibre significatif et demande condamnation sur le fondement de L 442-6 I 2 du code de commerce.

La Cour d’appel de Paris va confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la résolution du contrat, bien que notant que les obligations à la charge du prestataire étaient des obligations de moyens, et en conséquence confirmer la restitution des sommes versées.

Concernant la demande indemnitaire, la Cour va juger les appelantes mal fondées à invoquer la clause contractuelle limitative de responsabilité, considérant que le client, « non professionnel » dans le domaine de la téléphonie au sens de l’article R.132-1 du code de la consommation, pouvait utilement invoquer son caractère abusif et dès lors inopérant.

La demande du client au titre du gain manqué sera cependant considérée comme fondée, ni dans son principe ni dans son montant, et le client verra également rejetée sa demande en paiement pour préjudice moral. Enfin, pour la Cour, les parties, qui ont souscrit un contrat unique et non pérenne, ne peuvent pas être considérées comme des partenaires commerciaux, ne faisant pas droit à la demande de réparation du client au titre du déséquilibre significatif.

ACTUALITÉ RÉGLEMENTAIRE

Réglementation applicable aux drones civils circulant sans personne à bord

Décrets du 18 mai 2018

  • La loi n° 2016-1428 du 24 octobre 2016relative au renforcement de la sécurité de l’usage des drones civils fixe des obligations d’enregistrement par voie électronique et d’équipement des aéronefs civils circulant sans personne à bord si leur masse est supérieure ou égale à un seuil fixé par décret, ainsi qu’une obligation de formation des télépilotes.
  • Deux décrets du 2 février 2018 définissaient les compétences du ministre chargé de l’aviation civile en ce qui concerne les décisions individuelles relatives à la formation des télépilotes qui utilisent des aéronefs civils circulant sans personne à bord à des fins autres que le loisir (décret n°2018-66) et indiquaient les modalités relatives à la formation desdits télépilotes (décret n°2018-67).
  • Deux décrets du 18 mai 2018 viennent compléter le dispositif existant.

Le premier (décret n° 2018-374) est relatif aux seuils de masse prévus par la loi du 24 octobre 2016 : il est fixé à 800 grammes.

Le second (décret n° 2018-375) précise les règles relatives à la formation exigée des télépilotes qui utilisent des aéronefs civils circulant sans personne à bord à des fins de loisir. Il prévoit notamment que « la formation est composée d’enseignements théoriques dispensés dans le cadre d’un cours en ligne mis à disposition par le ministre chargé de l’aviation civile. (…) » (Art. D. 136-7).

Pour rappel, un arrêté devra préciser le programme de l’examen et les modalités de son obtention (âge, lieu, coût, date) et ce, avant le 1er juillet 2018.