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Peut-on exiger d’un tiers la communication de données personnelles d’une autre personne afin de pouvoir l’assigner en justice ?

24 juillet 2017 | Derriennic Associés|

 

CJUE 4 mai 2017 (C-13/16)

La CJUE a eu à se prononcer sur cette épineuse question dans un récent arrêt du 4 mai dernier, lequel apporte des précisions sur les conditions à réunir pour que puissent être communiquées des données à caractère personnel en pareil cas.

En l’espèce, une société de transports a sollicité, auprès de la police locale, la communication des données à caractère personnel d’une personne mineure impliquée dans un accident de la route. Sa justification : ces données étaient nécessaires pour qu’elle puisse intenter une action en dommages et intérêts contre ce mineur.

La société a motivé sa demande au regard de la loi informatique et libertés nationale applicable et transposant l’article 7 f) de la directive 95/46 CE sur la protection des données à caractère personnel. Cet article dispose qu’un traitement de données à caractère personnel ne peut être effectué que dans certaines conditions, notamment s’ « il est nécessaire à la réalisation de l’intérêt légitime poursuivi par le responsable de traitement ou par le ou les tiers auxquels les données sont communiqués à condition que ne prévalent pas l’intérêt ou les droits et libertés fondamentaux de la personne concernée (…) ».

C’est dans ce cadre que la Cour de Justice de l’Union Européenne a été saisie pour interpréter cette disposition : un tiers est-il, par-là, tenu de communiquer des données à caractère personnel nécessaires à l’introduction d’une action et ce, alors même qu’il s’agit d’une personne mineure ?

Les juges européens ont d’abord souligné qu’en vertu de ce texte, le responsable de traitement a la simple faculté et non l’obligation de communiquer des données à caractère personnel. Toutefois, la Cour a estimé que la directive 95/46 CE ne s’opposerait pas à ce qu’une telle communication soit prévue par un droit national, en respectant les conditions énumérées par l’article 7 f) de la directive.

En l’espèce, la CJUE a jugé que l’intérêt d’un tiers à obtenir une information d’ordre personnel concernant une personne qui a porté atteinte à sa propriété afin de l’assigner en justice pour obtenir réparation constitue un intérêt légitime et que la communication des données personnelles de la personne concernée sollicitée est nécessaire.

En revanche, elle a considéré que la pondération à faire entre les droits et intérêts opposés en cause dépendent des circonstances concrètes (à analyser par les juridictions nationales). Sur ce point, la Cour a néanmoins relevé que si l’âge de la personne concernée peut constituer un élément dans la pondération à effectuer, il n’apparaît pas justifié un refus de communication de données dans des conditions telles que celles de l’espèce.

La communication de données à caractère personnel d’une personne par un tiers pour assigner en justice peut ainsi être justifiée devant nos juridictions au regard de l’article 7 f) de la directive de 95 (transposée, de façon quasi-identique 6.1 f) dans le Règlement pour la Protection des données qui entrera en vigueur en mai 2018).

Mais, cette justification restera soumise à l’appréciation des juges du fond, étant souligné que, dans la présente affaire, les données étaient détenues par des autorités publiques et leur communication visait une action en indemnisation par suite d’un accident bien réalisé.

La motivation des demandes de communication de données personnelles à un tiers pour intenter une action en justice reste donc essentielle au succès de telles demandes.