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Pour le juge de l’évidence, l’interdépendance entre le contrat de licence et le contrat d’intégration, même si elle est évidente, ne lui permet pas de statuer sur le versement d’une provision

09 novembre 2018 | Derriennic Associés |

CA Paris, pôle 1 – ch. 3, 3 oct. 2018, n° 18/03002

Résumé : Un client assigne en référé son intégrateur pour demander la restitution du prix des licences, le contrat de fourniture des licences étant caduc du seul fait du constat de la résiliation du contrat d’intégration. Le juge des référés puis la Cour d’appel vont considérer qu’il existe une contestation sérieuse quant à l’obligation de restitution du coût des licences.

Une société confie à une SSII l’intégration d’un progiciel dont elle acquiert concomitamment les licences par un autre contrat auprès de ce même prestataire.

Le projet d’intégration se passe manifestement mal. Le client invoque retards et anomalies et demande à son cocontractant d’en compenser les conséquences dommageables, alors que le prestataire informatique conteste sa responsabilité reprochant au client l’insuffisance de mobilisation de ses équipes. Finalement, le client résilie pour faute le contrat d’intégration.

Mais ce n’est pas au fond que le client a décidé de saisir le juge. Le client assigne en effet le prestataire devant le juge des référés du Tribunal de commerce de Paris aux fins de voir ce dernier condamné à lui verser une somme provisionnelle correspondant à la restitution du prix des licences, au motif que la résiliation du contrat d’intégration, du fait de l’interdépendance des contrats, entraîne la caducité automatique et de plein droit des licences. L’ordonnance conclura qu’il n’y a pas lieu à référé.

Le client interjette appel : Il considère que le litige porte uniquement sur la restitution du prix des licences et non sur la restitution des sommes versées au titre des prestations ; le fait que les parties s’imputent mutuellement la responsabilité de l’échec du projet est dépourvu d’incidence sur la demande de restitution présentée qui se fonde sur la seule constatation de la résiliation du contrat d’intégration ainsi que l’absence de livraison des licences.

Pour l’intégrateur, la question de savoir si les contrats sont indivisibles et si le client est fondé à solliciter le remboursement du coût des licences relève de la compétence du juge du fond en ce qu’elles nécessitent de se livrer à une interprétation des contrats ainsi qu’à leurs conditions d’exécution. Il fait valoir en ce sens que les contrats, portant sur un progiciel standard, ne sont pas nécessairement indivisibles, rien n’empêchant le client de confier la finalisation à un autre prestataire et de conserver le bénéficie des licences acquises. Pour pouvoir obtenir le remboursement des licences, il incombe au client de démontrer que la résolution du contrat d’intégration entraînant l’anéantissement rétroactif dudit contrat a été prononcée aux torts exclusifs du prestataire. Or il existe un profond désaccord entre les parties sur les causes de la rupture dont elles se rejettent mutuellement la responsabilité.

Pour la Cour d’appel, « nonobstant l’interdépendance contractuelle entre le contrat de licence et le contrat d’intégration invoquée, il apparait que l’évaluation des conséquences financières de la résiliation du contrat (…) nécessite de porter une appréciation de fond sur le comportement de chacune des parties et de caractériser la faute de la partie qui en a été à l’origine (…) »

La Cour déduit de l’ensemble des éléments l’existence d’une contestation sérieuse quant à l’obligation de restitution du coût des licences et confirme l’ordonnance de référé.