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Quelques réflexes à adopter par l’employeur avant de mettre en œuvre son pouvoir disciplinaire

28 juin 2017 | Derriennic Associés |

Avant de sanctionner un salarié pour des faits qu’il considère comme fautifs, l’employeur doit se poser un certain nombre de questions afin de prendre une décision en connaissance de cause et d’éviter toute déconvenue.

Quels faits peuvent être sanctionnés ?

Un manquement du salarié à ses obligations contractuelles et professionnelles qui lui est directement imputable. Le fait commis doit être suffisamment sérieux pour justifier une sanction.

Existe-t-il un règlement intérieur et que prévoit-il ?

Pour pouvoir notifier une sanction (autre qu’un licenciement) l’employeur doit impérativement avoir mis en place (dans les entreprises qui emploie habituellement au moins 20 salariés) un règlement intérieur. Ce règlement doit fixer la nature et l’échelle des sanctions pouvant être mise en œuvre dans l’entreprise. Cela signifie qu’une sanction non prévue par le règlement intérieur ne pourra pas être notifiée à un salarié.

A défaut de règlement intérieur, la sanction prononcée sera illicite et devra être annulée. Dans cette hypothèse, le salarié peut demander directement au juge des référés qu’il ordonne à l’employeur d’annuler sa sanction (soc 23 mars 2017 n°15-23.090). Si le salarié est en mesure de justifier d’un préjudice et souhaite obtenir des dommages intérêts, il devra, en revanche, saisir  le juge du fond.

Le règlement intérieur doit également fixer la durée maximale de la mise à pied disciplinaire, à défaut de quoi, toute mise à pied sera annulée (soc 11 décembre 2015 n°14-19.954).

La société a-t-elle déjà formulé par écrit des observations au salarié ?

Si des remarques par écrit ont déjà été adressées au salarié concernant les faits fautifs identifiés, il convient alors de vérifier les formulations qui ont été employées.

En effet, les juges considèrent que des reproches formulés par écrit au salarié, susceptibles d’affecter la carrière de l’intéressé, constituent une sanction disciplinaire (soc 3 février 2017 n°15-11.433) et ce, y compris si ces reproches sont formulés aux termes d’un simple mail (Soc 9 avril 2014 n°13-10.939). L’écrit sera ainsi qualifié d’avertissement et l’employeur aura dès lors épuisé son pouvoir disciplinaire, ce qui signifie que toute sanction prononcée sur la base des mêmes faits sera considérée comme injustifiée du fait de l’application de l’adage « non bis in idem »(un même fait ne peut être sanctionné à deux reprises).

En revanche, un compte rendu d’entretien aux termes duquel l’employeur listerait les différents griefs reprochés au salarié, sans traduire une volonté de sa part de les sanctionner ne sera pas considéré comme une sanction (soc 12 novembre 2015 n°14-17.615).

Quelle procédure doit être mise en œuvre ?

Tout dépend des conséquences de la sanction sur le contrat de travail et plus particulièrement sur la rémunération du salarié. C’est l’article L.1332-2 du code du travail qui détermine la procédure applicable : l’employeur qui envisage de prendre une sanction doit convoquer le salarié à un entretien. Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise. Au cours de l’entretien, l’employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié.

Aucun entretien n’a revanche à être organisé si l’employeur veut notifier un avertissement ou une sanction de même nature n’ayant pas d’incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.

La sanction doit être notifiée par écrit au salarié aux termes d’un écrit motivé qui fixera les limites du débat. La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d’un mois après le jour de l’entretien.

Dans quel délai doit-on agir ?

La prescription des faits fautifs est de deux mois conformément aux dispositions de l’article L. 1332-4 du Code du travail. Cela signifie que la procédure doit être engagée dans un délai de deux mois à compter de la découverte de la faute (et non de la date des faits). La procédure est considérée comme étant engagée par l’envoi de la lettre de convocation à l’entretien (lorsqu’un entretien doit être organisé)

En l’absence d’entretien, c’est la lettre de notification de la sanction qui doit être adressée au salarié dans le délai de deux mois.

La société peut-elle prendre des mesures conservatoires avant l’engagement de la procédure ?

L’employeur peut prendre des mesures provisoires adaptées et destinées à garantir les intérêts de l’entreprise, dans l’attente de l’engagement de la procédure disciplinaire telle qu’une dispense d’activité avec maintien de rémunération, si cette mesure est limitée dans le temps et qu’elle n’entraine pas, sans accord du salarié, une modification durable du contrat (soc 8 mars 2017 n°15-23.503).

Qui doit notifier la sanction ?

C’est l’employeur lui-même quoi doit notifier la sanction au salarié.

Autrement dit, il ne peut déléguer ce pouvoir à une personne extérieure à l’entreprise telle qu’un expert-comptable par exemple (soc 26 avril 2017 n°15-25.204).

A cet égard, il convient de préciser que dans le cadre d’un Groupe de sociétés, un salarié de la société mère assurant la gestion du personnel des filiales et bénéficiant d’une délégation ne sera pas considéré comme une personne « extérieure » à l’entreprise (soc 30 juin 2015 n°13-28.146)

Les moyens de contrôle ont-ils été mis en œuvre de manière régulière ?

Si l’employeur a découvert un fait fautif grâce à un dispositif de contrôle, il doit vérifier s’il pourra bien se prévaloir de ce dispositif pour démontrer le comportement fautif qu’il a constaté.

Pour cela, l’employeur doit vérifier que les moyens de contrôle existant n’apportent pas aux droits et libertés des salariés des restrictions disproportionnées et non justifiées par la nature de la tâche à accomplir et qu’ils ont été mis en œuvre dans le respect des différentes obligations d’information et obligations déclaratives.

Ainsi, préalablement à leurs mises en place, ils doivent faire l’objet d’une information/consultation du comité d’entreprise, d’une information auprès de salariés ainsi que d’une déclaration auprès de la CNIL.

A défaut, l’employeur ne pourra sanctionner le salarié sur le fondement d’un dispositif mis en place de manière illicite. Cela a notamment été jugé dans le cadre d’un dispositif d’enregistrement des données permettant de connaitre l’identité du salarié entré dans les locaux de l’entreprise et l’heure de cette entrée (soc 2 novembre 2016 n°15-20.540)

En revanche, l’employeur peut parfaitement produire en justice des courriels issus d’une messagerie professionnelle non déclarée à la CNIL mais non pourvue d’un système de contrôle, dans la mesure où en l’absence de contrôle de l’activité de ce dispositif n’est pas susceptible de porter atteinte à la vie privée des salariés ou aux libertés telles que listées dans l’article 24 de la loi informatiques et liberté, l’auteur ne pouvant ignorer qu’il sont enregistrés et conservés par le système informatique  (soc 1erjuin 2017 15-23.522)