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Rapport d’autopsie et accident mortel du travail : revirement de jurisprudence au profit du secret médical

05 mai 2025 | Derriennic Associés |

Rapport d'autopsie et accident mortel du travail : revirement de jurisprudence au profit du secret médical

Aux termes d’un arrêt rendu le 3 avril 2025 (n°22-22.634), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation opère un revirement majeur. Elle juge que le rapport d’autopsie, même en cas d’accident du travail mortel, est couvert par le secret médical et ne peut être communiqué à l’employeur au cours de l’instruction relative à la reconnaissance du caractère professionnel de l’accident. 

Contexte : la fin d’une jurisprudence de 2005

Le 13 novembre 2019, un salarié intérimaire est retrouvé inanimé dans les locaux d’une entreprise utilisatrice. Malgré l’intervention des secours, il décède. L’employeur, ayant déclaré l’accident, émet des réserves sur son caractère professionnel. La CPAM diligente une enquête et mentionne qu’une autopsie est en cours, mais refuse de transmettre ses conclusions à l’employeur. 

Ce dernier saisit successivement la commission de recours amiable puis le tribunal judiciaire, qui prononce l’inopposabilité de la décision pour manquement au principe du contradictoire. La cour d’appel confirme, adoptant ainsi une position conforme à la jurisprudence constante depuis 2005 (Cass. 2e civ., 22 févr. 2005, n° 03-30.308) par laquelle la Cour de cassation considérait que, pour respecter le principe du contradictoire, l’employeur devait pouvoir consulter l’intégralité du rapport d’autopsie en cas d’accident du travail mortel. Cette position permettait à l’employeur de contester utilement le caractère professionnel de l’accident au cours de l’instruction réalisée par la Caisse.

Solution : une pièce médicale légalement protégée par le secret médical 

La Cour de cassation reconsidère aujourd’hui sa position. Elle juge que le rapport d’autopsie, dès lors qu’il contient des informations médicales sur les causes du décès, est une pièce couverte par le secret médical, au même titre que les certificats médicaux ou les audiogrammes (Civ. 2ème, 13 juin 2024, n°22-15.721). Or, aucune disposition de valeur législative n’autorise expressément sa communication à l’employeur dans le cadre de l’instruction administrative d’un accident du travail.

Elle précise que :

  • l’article L. 442-4 du code de la sécurité sociale réserve l’initiative de l’autopsie à la caisse ou aux ayants droit, à l’exclusion de l’employeur,
  • l’article L. 1110-4, V du code de la santé publique ne permet pas de considérer l’employeur comme un destinataire légitime d’informations médicales post-mortem,
  • qu’en tout état de cause, la sollicitation par les ayants droit d’une reconnaissance du caractère professionnel de l’accident ne vaut pas renonciation au secret médical.
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La Cour affirme donc que le principe du secret médical ne peut souffrir d’exception qu’en présence d’un texte de loi l’y autorisant expressément, ce qui n’est pas le cas ici. Le respect du contradictoire, invoqué par l’employeur dans le cadre de la procédure de reconnaissance du caractère professionnel de l’accident, ne justifie pas une telle dérogation.

Pour concilier les droits en présence, la Cour de cassation rappelle toutefois que :

  • l’employeur peut saisir le juge afin qu’il désigne un expert médical habilité à consulter les pièces du dossier,
  • la commission médicale de recours amiable (CMRA), compétente depuis le 1er janvier 2019 pour les litiges à caractère médical, peut transmettre au médecin-conseil de l’employeur un rapport complet, sans que le secret médical puisse être invoqué à ce stade.

En définitive, la Cour juge que le rapport d’autopsie n’a donc pas à figurer dans les pièces du dossier administratif consultable par l’employeur en application de l’article R. 441-13 du code de la sécurité sociale. Ce revirement met fin à la jurisprudence précitée de 2005.

Portée : un accès restreint aux informations médicales

Cet arrêt s’inscrit dans une tendance jurisprudentielle visant à renforcer la protection du secret médical. Désormais, l’employeur ne peut plus accéder aux pièces médicales du dossier constitué par la caisse, même si elles sont déterminantes pour contester le caractère professionnel de l’accident. Il doit se tourner vers le juge pour obtenir une expertise judiciaire. 

La Cour de cassation opère un revirement en faveur du secret médical, limitant l’accès de l’employeur aux informations médicales en cas d’accident du travail mortel. Cette décision renforce la protection des données médicales des salariés, mais vient complexifier la faculté de contestation par l’employeur du caractère professionnel de l’accident.​

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