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Regards croisés sur l’exécution d’un contrat de mise à disposition d’un site internet

21 février 2020 | Derriennic Associés |

Cour d’appel de Caen, 28 novembre 2019 (17/07802), Cour d’appel de Paris, 8 novembre 2019 (17/03258), Cour d’appel de Nîmes, 21 novembre 2019 (n°17/03112)

Ces trois décisions, portant sur la refonte, création ou location d’un site Internet, sont toutes favorables au prestataire de services informatiques.

Dans les trois arrêts, le client demande la résolution judiciaire ou la résiliation aux torts du prestataire de services, pour manquement à son obligation de délivrance conforme.

Par ailleurs, dans deux des affaires, le client demande en outre des dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de conseil ou de diligence du professionnel.

Enfin, dans l’arrêt de la Cour d’appel de Nîmes, le professionnel demande la résiliation du contrat de location au tort du client et le paiement d’une clause pénale.

Ces arrêts apportent un éclairage sur l’obligation de délivrance d’un site internet, et l’obligation de conseil et de diligence du prestataire informatique (1). Ils soulignent par ailleurs les sanctions d’une inexécution contractuelle (2).

  1. LES OBLIGATIONS DU PRESTATAIRE DE SERVICES INFORMATIQUES POUR LA CREATION D’UN SITE INTERNET

1.1 L’obligation de délivrance conforme

Positivement, l’obligation de délivrance conforme est satisfaite par la mise en ligne, en production, du site Internet, conforme au cahier des charges et aux spécifications contractualisées (ex. : conformité des éléments graphiques et visuels).

Lorsque le référencement est prévu au contrat, l’obligation est satisfaite dès lors que la recherche utilise bien les mots-clés contractualisés.

Le client a lui-même pour obligation de :

  • prendre livraison ;
  • effectuer les tests pour vérifier la conformité de la livraison ;
  • signer le procès-verbal (le cas échéant avec des réserves ou une mention de non-conformité).

Négativement, ne suffisent pas à caractériser un manquement :

  • le refus de prendre livraison, de vérifier sa conformité et de signer le procès-verbal de recette ;
  • des anomalies ou non-conformités, dès lors qu’elles sont rectifiées au plus tard pendant le délai de garantie ;
  • de nombreuses mises au point (en l’espèce 199 réclamations), qui sont inhérentes à la mise en œuvre d’un système complexe. ;
  • le non-référencement du site Internet, dès lors qu’il s’agit d’une prestation distincte de la mise en œuvre du site internet qui doit être prévue dans le contrat.

Ne suffisent pas à caractériser un manquement suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat :

  • des réserves n’empêchant pas l’utilisation du site Internet ;
  • en l’absence de sanction prévue au contrat et de mise en demeure, un retard minime par rapport au délai de livraison prévu au contrat ;
  • en l’absence d’informations qu’auraient dû fournir le client, le défaut de transfert du nom de domaine, pourtant prévu au contrat.

Pour ce qui est de la preuve :

  • la signature du procès-verbal de recette, même avec des réserves, renverse la charge de la preuve : c’est alors au créancier de l’obligation de délivrance de prouver un manquement ;
  • l’huissier de justice doit respecter les diligences nécessaires à la validité et force probante d’un constat effectué sur Internet.

1.2 L’obligation de conseil

S’il appartient à la partie qui le prétend, de prouver qu’une information lui était due, c’est à la partie débitrice de l’obligation de conseil qu’il incombe de prouver qu’elle l’a exécutée.

Une multitude de courriels échangés lors de la conception et de la mise en œuvre du projet, prouve la réalité d’une personnalisation des spécifications fonctionnelles et techniques. L’obligation de conseil est alors respectée.

1.3 L’obligation de diligence du professionnel 

Le professionnel qui n’a pu transférer le nom de domaine de son client en raison d’informations insuffisantes, manque à son obligation de diligence s’il a tardé à solliciter son client pour lesdites informations.   

  1. LES SANCTIONS D’UNE INEXECUTION CONTRACTUELLE

2.1.Demande de résolution judiciaire 

La résolution judiciaire est recevable malgré la présence d’une clause résolutoire de plein droit, car elle tend à l’anéantissement du contrat au jour de sa conclusion et que la clause résolutoire disparait avec lui.

La résolution judiciaire suppose un manquement suffisamment grave dans l’exécution du contrat.

2.2.Clause pénale

La clause stipulant une indemnité de résiliation anticipée d’un montant suffisamment élevé pour conférer un caractère comminatoire en ayant pour objet de contraindre la partie à exécuter le contrat est une clause pénale.

Une clause qui prévoit le paiement de 30% des loyers en cas de résiliation aux torts du client, en cours de réalisation du site, et de 50% des loyers si une telle résiliation intervient après la réalisation intégrale du site, n’est pas manifestement excessive.

2.3.Dommages et intérêts 

Le manquement à l’obligation de délivrance, s’il n’est pas suffisamment grave pour ouvrir droit à la résolution du contrat, peut être sanctionné par des dommages et intérêts, sous réserve de la démonstration d’un préjudice.

Il en est de même pour le manquement à l’obligation de diligence ou de conseil du professionnel.