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Vivastreet : ce qu’en pensent les avocats

23 novembre 2016 | Pierre - Yves MARGNOUX |

L’affaire VivaStreet, du nom du site accusé de proxénétisme sur mineurs, fait un peu moins de bruit en ce début de semaine. Ce qui n’empêche pas de pousser l’analyse, notamment sur le statut d’hébergeur et sur la responsabilité de la plateforme.

Rappelons les faits : VivaStreet est accusé de proxénétisme sur mineurs. La plateforme de petites annonces en ligne nie tout responsabilité, mettant en avant son statut d’intermédiaire technique. Selon la LCEN, un hébergeur n’est pas responsable, sous certaines conditions, du contenu publié par ses utilisateurs.

Nous avons pu interroger sur le sujet Me PierreYves Margnoux, avocat associé au sein du cabinet Derriennic Associés, et spécialisé sur ces questions. D’emblée, ce dernier pointe « une énorme contradiction entre les CGU de Viva Street et les contenus hébergés ». Ainsi, VivaStreet interdit « les annonces proposant des massages sensuels, sexuels ou érotiques » ainsi que « les annonces trop courtes ou ambigües, les annonces qui ne spécifient pas s’il s’agit d’un massage ou d’un accompagnement ». Voilà qui est clair… Prenons donc quelques contenus.

  • ”MASSAGE SEXY A 4 MAINS (DUO OU SOLO)” (titre de l’annonce)
  • “je suis [prénom] une femme, discrète, élégante et raffinée, Je vous accueille en lingerie très fine…Si vous êtes à la recherche d un bon massage , Je suis une fille pour un homme respectueux à qui j’offre un service très exclusif.”
  • “je suis une belle femme, à la peau douce et bronzée toute l’année. Sympathique, raffinée, je vous ferais découvrir mes massages inoubliables, relaxation et détente garantie. Je vous attends avec une belle lingerie fine. Je suis dans un appartement privé,très discret très propre.”
  • “Je suis [prénom] une tres douce fille blonde, souriante e teriblemente charmante en lingerie fine et talons aiguiles, chaque rdv est unique, une feeling reciproque est mise… Je vous propose des massages avec de huille une evasion de haute qualites assures. Je recois dans une apartamnent prive”

Et on ne vous montre pas les photos accompagnant ces descriptions. Non, pas de pornographie, mais les clichés sont pour le moins explicites.

D’hébergeur à éditeur

Il n’y a pas que ses CGU qui viennent mettre à mal la défense de VivaStreet. Pour étayer ses propos, Me PierreYves Margnoux revient sur une décision de la Cour de justice des Communautés européennes du 12 juillet 2011. Dans une affaire opposant eBay à L’Oreal, la plateforme d’enchères en ligne adoptait, face à une accusation de distribution de contrefaçon la même ligne que VivaStreet aujourd’hui : en tant qu’hébergeur il ne saurait être tenu responsable du contenu posté par les utilisateurs.

Néanmoins, le juge a considéré que « lorsque la plateforme technique optimise ou permet l’optimisation des offres en permettant qu’elles soient mises en avant, elle joue un rôle actif et passe donc au statut d’éditeur, car elle a effectivement connaissance des offres qu’elle héberge. En conséquence, elle est responsable de plein droit des annonces qu’elle éditorialise, sur le plan civil comme pénal. ».

Or, sur VivaStreet, le contenu de sa rubrique « Erotica » est rééditorialisé avec des mises en avant, des publications Premium ou En Une. En outre, l’utilisateur peut payer la plateforme pour mettre en avant ses annonces. « Il y a contrôle de VivaStreet sur une partie au moins du contenu et une connaissance dès la mise en ligne ». L’argument des algorithmes n’avait pas tenu pour eBay. Seratil retenu pour VivaStreet ? Sans doute pas…

« Néanmoins, l’absence de prix affichés sur les annonces ne permet pas de rentrer dans les définitions de prostitution ou de proxénétisme ». Toutefois, l’avocat nous rejoint sur le fait que VivaStreet puisse tomber sous le coup de l’article 2255° 1 du Code Pénal si les faits visés dans la plainte sont avérés. « On fournit clairement une plateforme qui croise l’offre et la demande et qui tire consciemment profit de la prostitution d’autrui avec ses services de mise en avant » ajoute-t-il.