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L’absence d’obligation de résultat n’empêche pas la résolution aux torts du prestataire informatique 

20 novembre 2025 | Géraldine Pacaut |

Cour d’appel de Paris, 3 octobre 2025, RG n° 22/01534

La résolution du contrat par le client est bien fondée quand le prestataire informatique, bien que non tenu à une obligation de résultat, n’a pas exécuté de bonne foi le contrat. Intégralement remboursé, le client verra néanmoins sa demande de réparation rejetée. 

L’échec d’un projet informatique d’implémentation d’un ERP

Une société spécialisée dans la distribution de chaudières a souhaité acquérir une application de gestion et est entrée en relation avec une société spécialisée dans la transformation digitale. 

A partir du cahier des charges du client, un contrat de prestations informatiques est signé en juin 2018 pour l’implémentation d’un progiciel tiers. Le contrat prévoit une première phase d’études (audits), puis une phase de mise en œuvre du progiciel, suivie de celle du contrôle et enfin de maintenance et de l’évolution.

Des difficultés surviennent concernant la réalisation des prestations, notamment le paramétrage du progiciel et la migration des données et le client notifie la résolution du contrat en avril 2020, reprochant à son prestataire différents manquements et notamment le non-respect du cahier des charges et des délais, la non-exécution de prestations et la non-disponibilité d’un module dont il n’aurait pas été informé ainsi que la facturation injustifié de l’abonnement.

Le client assigne le prestataire en septembre 2020 devant le tribunal de commerce de Meaux en restitution des paiements (environ 250k€) et en dommages et intérêts. Par jugement du 14 décembre 2021, le tribunal fait droit en grande partie aux demandes du client ; le prestataire interjette appel.

L’intégrateur conteste les manquements allégués par le client, arguant que le client était éclairé sur l’appréciation de son besoin, avait lui-même manqué à son devoir de collaboration, émis des critiques tardives, et avait refusé d’acquitter la redevance annuelle de la licence du progiciel, lui imputant la responsabilité de l’abandon du projet et une rupture abusive et brutale.

La cour d’appel va confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne la condamnation du prestataire à indemniser le préjudice financier du client.

L’obligation de résultat est écartée

Les juges reviennent en premier lieu sur la nature des obligations des parties.

Le client se prévalait de la souscription par le prestataire à une obligation de résultat, qualification donnée dans son cahier des charges fonctionnel sur lequel le prestataire avait bâti son offre. 

Pour la cour, du fait de la complexité des opérations d’intégration, comprenant des prestations d’audit, de paramétrage des fonctionnalités, de migration des données, de tests et d’accompagnement du personnel de l’entreprise dans l’adoption de l’application, la fourniture de ces prestations n’est pas présumée régie par une obligation de résultat, mais par une obligation de moyens, sauf convention expresse entre les parties. 

Or, la cour relève qu’il n’est ni signé ni même visé au contrat. Les premiers juges ne pouvaient par conséquent conclure que ce document était annexé au contrat.

L’obligation de résultat est par conséquent écartée pour l’appréciation des manquements que chacune des parties reproche à l’autre dans l’exécution de ses obligations.

Le comportement du prestataire est cependant sanctionné 

La cour rappelle que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public.

Si les dépassements du planning pour les phases d’étude et d’implémentation du progiciel étaient acceptables, pour les juges le client était fondé à suspendre, en application de l’article 1217 alinéa 1 du code civil, le paiement de la facture de la redevance annuelle, car il avait déjà acquitté la totalité du prix des prestations et la redevance annuelle précédente sans bénéficier du paramétrage du progiciel. 

Surtout, la cour d’appel déduit du comportement du prestataire, qui s’est limité à revendiquer le paiement de la licence annuelle en menaçant de rompre le contrat, sans offrir de réponses aux observations du client, ni de modalités précises et sérieuses pour le paramétrage de l’application et la migration des données, un manquement à son obligation de poursuivre l’exécution du contrat de bonne foi et dans une mesure propre à en compromettre irrémédiablement l’aboutissement de ses prestations pour lesquelles il s’était engagé.

La résolution du contrat, notifiée par le client dans les conditions de l’article 1226 du code civil, était justifiée.

Les conséquences de la résolution : la restitution sans réparation 

La cour confirme le jugement en ce qu’il a débouté le prestataire de sa demande de dommages et intérêts et en paiement des factures impayées, et en ce qu’il a condamné le prestataire à restituer les sommes versées par le client au visa de l’article 1229 du code civil

Cependant, le jugement est infirmé en ce qu’il a condamné le prestataire à verser des dommages et intérêts au titre du préjudice financier résultant des bénéfices promis et attendus que devaient apporter la solution logicielle et notamment l’amélioration de la productivité et de la rentabilité.

En effet, les juges d’appel constatent que le contrat ne stipule aucun engagement du prestataire à ce titre et qu’il n’était pas tenu à une obligation de résultat, de sorte que ce chef de dommages n’entre pas dans les prévisions des articles 1231-1 à 1231-4 du code civil.

La cour confirme enfin le jugement en ce qu’il a débouté le client de ses autres demandes de dommages et intérêts, en réparation notamment :

  • du caractère improductif d’une partie de ses salariés, considérant que la seule désignation des salariés dans un tableau ne permet pas d’apprécier la quantification de la demande ;
  • du comportement dolosif du prestataire, rappelant les six mois de négociations et de démonstrations qui ont précédé la souscription du contrat et de nature à éclairer les choix du client, de sorte que l’intention dolosive n’est pas caractérisée.
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