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AOP : une protection étendue par les Juges européens

05 octobre 2021 | Derriennic Associés|

CJUE, 9 septembre 2021, C-783/19

Cette décision est intervenue dans le cadre d’un litige opposant le Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (CIVC) à une société « GB » utilisant le signe « CHAMPANILLO » (« petit champagne » en espagnol) associé à support graphique représentant deux coupes remplies d’une boisson mousseuse qui s’entrechoquent, pour désigner et faire la promotion de bars à tapas.

Considérant qu’il y avait là atteinte à l’AOP « Champagne », la CIVC a saisi les juridictions espagnoles pour faire interdire l’utilisation du signe « CHAMPANILLO ». Les juridictions espagnoles se sont tournées vers la CJUE afin qu’elle interprète des dispositions du droit de l’Union en matière d’AOP.

Après avoir précisé que, en l’espèce, le règlement « portant organisation commune des marchés de produits agricoles » (UE 1308/2013) s’applique en l’espèce, la CJUE a d’abord jugé que ce texte est applicable « à l’égard d’agissements se rapportant tant à des produits qu’à des services ».

Pour arriver à une telle conclusion, la Cour a notamment considéré que le règlement vise à assurer aux consommateurs que « des produits agricole revêtus d’une indication géographique enregistrée au titre dudit règlement (…) offrent une garantie de qualité due à leur provenance géographique, dans le but de permettre aux opérateurs agricoles ayant consenti des efforts qualitatifs réels d’obtenir en contrepartie de meilleurs revenus et d’empêcher que des tiers ne tirent abusivement profit de la réputation découlant de la qualité de ces produits ». Pour la Cour, le règlement « instaure donc une protection très large qui a vocation à s’étendre à toute utilisation visant à profiter de la réputation associée aux produits visés par l’une de ces indications. »

Ensuite, la Cour a interprété largement la notion d’ « évocation » d’une AOP, laquelle est sanctionnée par le règlement en retenant que cette « évocation » « d’une part, n’exige pas, à titre de condition préalable, que le produit bénéficiant d’une AOP et le produit ou le service couvert par le signe litigieux soient identiques ou similaires et, d’autre part, est établie lorsque l’usage d’une dénomination produit, dans l’esprit d’un consommateur européen moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, un lien suffisamment direct et univoque entre cette dénomination et l’AOP. L’existence d’un tel lien peut résulter de plusieurs éléments, en particulier, l’incorporation partielle de l’appellation protégée, la parenté phonétique et visuelle entre les deux dénominations et la similitude en résultant, et même en l’absence de ces éléments, de la proximité conceptuelle entre l’AOP et la dénomination en cause ou encore d’une similitude entre les produits couverts par cette même AOP et les produits ou services couverts par cette même dénomination. Dans le cadre de cette appréciation, il incombe à la juridiction de renvoi de tenir compte de l’ensemble des éléments pertinents entourant l’usage de la dénomination en cause. ».

Ainsi, une simple « proximité conceptuelle » entre la dénomination protégée et un signe peut suffire à caractériser une évocation interdite par la règlementation européenne.

Grâce à cette interprétation large du droit de l’Union en matière d’AOP, la protection de celles-ci se voit renforcer.