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Clause attributive de juridiction : transmission électronique du contrat et opposabilité de la clause – une avancée dangereuse

05 octobre 2021 | Derriennic Associés|

Cass. Civ. 1ère – 9 juin 2021, n°20-15.356, Inédit

Une société française (Anthalys), et une société suisse (Digital audio) entretenaient une relation d’affaires jusqu’à ce que Digital audio refuse la réception de commandes.

Anthalys a alors assigné Digital audio devant le Tribunal de Commerce (« TC ») d’Auxerre en paiement de factures et remboursement des frais.

Digital audio lui a opposé l’incompétence des juges français saisis au profit des juges helvètes.

Anthalys a rétorqué que, en application de la clause attributive de juridiction stipulée dans le contrat, les juges français sont nécessairement compétents.

La clause invoquée figurait dans des conditions générales (« CG »), lesquelles étaient rendues accessibles par un lien hypertexte contenu dans un accusé de réception de commandes émis par Anthalys et signé par Digital audio.

Le TC d’Auxerre s’est déclaré compétent, la Cour d’appel de Paris l’a suivi dans cette appréciation.

Il incombait à la Cour de cassation de répondre à la question suivante :

  • la clause attributive de juridiction, contenue dans des CG, auxquelles renvoyait un lien contenu dans un accusé de réception de commandes, signé par la partie à laquelle la clause est opposée, peut-elle être considérée comme valablement transmise, acceptée et dès lors opposable ?

Il est précisé que la société Digital audio a appuyé son pourvoi en cassation au visa de l’article 23 de la Convention de Lugano sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, et présentant donc un caractère transfrontalier.

Aux termes du 1er paragraphe de cet article, une clause attributive de juridiction peut être conclue sous trois formes, notamment sous forme écrite.

Le paragraphe 2 précise que lorsque la clause est transmise par voie électronique sous une forme qui permet de la consigner elle doit être considérée comme transmise par écrit.

Pour la Cour de cassation, dans la mesure où :

  • « moyennant des diligences normales », la société Digital audio pouvait consulter, sauvegarder et imprimer les CG avant la conclusion du contrat ;
  • et qu’elle a signé un accusé de réception renvoyant vers les CG,

la clause est parfaitement opposable à la société Suisse en ce qu’elle a valablement été transmise par écrit.

En somme, cet arrêt inédit semble fragiliser le bénéfice pour les professionnels de garanties de prévisibilité et de sécurité juridique en matière d’écrit électronique, dont des traces figurent dans l’article 1119 du Code Civil issu de la réforme de 2016.