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Commercialisation de produits cosmétiques d’occasion et usage illicite de la marque

05 janvier 2024 | Derriennic Associés|

Selon la Cour de cassation, la règle de l’épuisement des droits du titulaire d’une marque n’est pas absolue et le titulaire d’une marque peut s’opposer à tout nouvel acte de commercialisation, dès lors qu’il justifie de motifs légitimes. La vente de produits d’occasion, d’autant plus lorsqu’il s’agit de produits de luxe, ne doit pas être préjudiciable à l’activité même du titulaire de la marque.

Par un arrêt du 6 décembre 2023, la Cour de cassation vient rappeler le cadre juridique qui s’impose à la vente de produits d’occasion au regard des règles de propriété intellectuelle et, plus particulièrement, du droit des marques.

En l’espèce, la société Ouest SCS, exerçant une activité de vente d’objets sous l’enseigne « Easy Cash », a revendu des échantillons gratuits de produits cosmétiques de la marque Chanel, ainsi que des produits usagés, avec ou sans emballage, dont certains avaient été acquis auprès d’une personne physique, qui les avait elle-même achetés ou obtenus gratuitement auprès d’un revendeur agréé par le réseau de distribution de Chanel.

La société Chanel a assigné cette personne pour vente de produits de la marque Chanel sans l’autorisation du titulaire de la marque et la société Ouest SCS pour usage illicite de marque et parasitisme. La Cour d’appel de Rennes a fait droit aux demandes de la société Chanel. Seule la société Ouest SCS s’est pourvue en cassation.

  • En tout premier lieu, pour contester la qualification d’usage illicite de la marque, la société Ouest SCS s’appuie sur la règle de l’épuisement des droits en droit des marques. Prévu à l’article L.713-4 du Code de la propriété intellectuelle, ce principe vise à empêcher le titulaire d’une marque sur un produit d’interdire l’usage de celle-ci pour des produits qui ont déjà été mis dans le commerce sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement.

La Cour de cassation rejette cet argument et confirme la décision de la cour d’appel en énonçant que :

  • La distribution d’échantillons gratuits à la personne physique, même revêtus de la marque Chanel, ne vaut pas mise dans le commerce, écartant ainsi tout épuisement des droits du titulaire de la marque sur ces produits ;
  • Malgré une mise dans le commerce licite, le titulaire de la marque conserve le droit de s’opposer à tout nouvel acte de commercialisation, s’il justifie de motifs légitimes. Or, en l’espèce, c’est à juste titre que la Cour d’appel a retenu que la commercialisation de produits cosmétiques dépourvus de leur emballage d’origine ou utilisés partiellement constituait une altération de l’état des produits et était préjudiciable à l’image de la société Chanel et à l’univers du luxe.
  • Par ailleurs, la société Ouest SCS conteste la décision de la Cour d’appel en ce qu’elle engage sa responsabilité délictuelle pour des faits de revente dans des conditions parasitaires des produits de la marque Chanel.

La Cour de cassation confirme la décision d’appel en relevant que le dirigeant de la société Ouest SCS invitait les clients potentiels à tester les produits chez le revendeur agréé situé dans la même galerie commerçante, avant d’acheter ses produits à un prix inférieur dans sa boutique.

La Cour de cassation rejette, en conséquence le pourvoi de la société Ouest SCS.