CONTACT

Contrat informatique : résiliation aux torts exclusifs du client justifiée

20 février 2023 | Derriennic associés|

L’éditeur d’un progiciel résilie à bon droit le contrat d’utilisation de son client qui ne payait plus les factures de redevances dans la mesure où ce dernier ne rapporte pas la preuve de l’absence de de délivrance conforme. L’éditeur n’obtiendra cependant pas réparation de son préjudice résultant de l’atteinte à ses droits de propriété intellectuelle, ayant fondé sa demande devant la juridiction commerciale sur la contrefaçon qui relève de la compétence exclusive des tribunaux judiciaires.

Une société de gestion de portefeuilles conclut en 2013 un contrat de location d’un progiciel pour une durée de trois ans, en contrepartie du paiement d’une somme annuelle forfaitaire.

L’outil est réceptionné en juin 2014, mais le client, invoquant des problèmes techniques dans l’utilisation de ce progiciel, décide de suspendre le paiement du loyer en juin 2016. Après plusieurs mises en demeure, l’éditeur notifie la résiliation du contrat aux torts exclusifs du client pour défaut de paiement des factures et lui demande de cesser d’utiliser le logiciel et de le lui restituer.

Le tribunal de commerce de Paris le 29 janvier 2020 condamne le client à payer les factures, ordonne la mise en place gracieuse par l’éditeur d’une copie unique d’archive, l’arrêt d’utilisation et la restitution du logiciel sous astreinte.

Le client interjette appel. Il considère notamment que l’éditeur a manqué à ses obligations contractuelles et qu’il pouvait faire jouer l’exception d’inexécution. Il réclame également des dommages et intérêts en raison de la résiliation soudaine du contrat.

Le prestataire demande quant à lui réparation au titre du préjudice résultant de l’atteinte à ses droits de propriété intellectuelle, sur le fondement de la contrefaçon entre la résiliation du contrat de location en 2018 et sa désinstallation en mars 2020. Subsidiairement, il demande réparation de cette même atteinte sur le fondement d’un manquement contractuel.

La cour d’appel va analyser en premier lieu l’exécution du contrat par chacune des parties au visa de l’article 1134 et 1184 du code civil.

Elle relève que le produit livré ne constituait pas un logiciel créé spécialement pour le client mais un progiciel, soit un ensemble complet de programmes conçu pour être fourni à plusieurs utilisateurs en vue d’une même application dans un domaine particulier.

Pour les juges, la délivrance conforme est rapportée dans la mesure où le progiciel a fait l’objet d’un procès-verbal de fin de mise en production, et où le client l’a utilisé pendant 2 années et payé ses factures. Des erreurs de paramétrages, lenteurs, inexactitudes ou dysfonctionnements ont été dénoncés par le client mais les tickets ont été traités et les difficultés résolues. La cour note qu’en l’absence de cahier des charges établi par le client ou de toute pièce permettant d’établir l’expression de ses besoins lors de la commande, il appartenait à ce dernier de valider la pertinence du progiciel dans son univers professionnel dans la période de mise en production, ce qu’il a fait.

En conséquence, le client qui ne rapporte ni l’expression de ses besoins à la commande en lien avec les difficultés qu’il dit avoir rencontrées et partant ne rapporte pas non plus l’inexécution de son devoir de conseil et d’information par l’éditeur dès lors qu’il a en outre validé la mise en production du progiciel, ni l’ineffectivité des performances du progiciel, doit être débouté de l’ensemble de ses demandes, le contrat ayant été résilié à juste titre à ses torts. Le jugement sera donc confirmé sur l’ensemble de ces points.

Concernant les demandes de l’éditeur au titre de la propriété intellectuelle, celui-ci fait valoir que « le non-respect par le client de l’extinction de ses droits d’utilisation du logiciel et son utilisation illicite et continue, sans aucun droit ni titre, dès lors que le contrat de location avait cessé, constitue une atteinte à ses droits exclusifs dont le fait générateur est un acte de contrefaçon fondé sur l’article 335-3 du code de propriété intellectuelle ».

Le tribunal n’a pas rejeté cette demande mais jugé qu’il n’était pas compétent pour en connaître, en application de l’article L331-1 du code de la propriété intellectuelle. Cette action relève de la compétence exclusive du tribunal judiciaire et le jugement du tribunal de commerce sera donc confirmé sur ce point également.

Enfin, la demande à titre subsidiaire sur le fondement d’un manquement contractuel est rejetée, l’éditeur n’établissant pas le préjudice subi sur la période concernée.

Source : Cour d’appel de Paris, Pôle 5, Chambre 11, Arrêt du 30 septembre 2022, Répertoire général nº 20/04236