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Contrôle rigoureux du faisceau d’indices sur le lien de subordination revendiqué par livreurs dans leurs relations avec les plateformes collaboratives

04 novembre 2020 | Derriennic Associés |

Arrêt de la CA de Paris – 8 octobre 2020 – nº 18/05471

Dans deux arrêts rendus le 8 octobre dernier, la Cour d’appel de Paris estime que les livreurs à vélo des plates-formes collaboratives sont des prestataires de services et non des salariés. Après la Cour de cassation (Uber et Take Eat Easy), la Cour d’appel de Paris se montre très rigoureuse dans le contrôle de l’existence d’un lien de subordination.

En l’espèce un travailleur a effectué des livraisons à domicile pour le compte d’une société dans le cadre d’un contrat de réalisation de prestations d’une durée déterminée d’1 an renouvelable tacitement. Le contrat prévoyait notamment que la personne s’engageait à ne pas directement ou indirectement mener ou participer à des prestations identiques ou similaires à un projet identique ou similaire au projet de « TOK TOK TOK » que ce soit sur le sol français ou en dehors.

Le Conseil de Prud’hommes de Paris a été saisi afin de faire reconnaitre l’existence d’un contrat de travail et obtenir le versement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire. Le Conseil a débouté le livreur de l’intégralité de ses demandes au motif que ce dernier avait utilisé son propre véhicule dont il assurait l’entretien, qu’il était libre quant aux horaires de connexion pour effectuer les livraisons, qu’il n’avait été tenu à aucun horaire et qu’il avait été libre de travailler pour d’autres sociétés ou à son compte.

La Cour d’Appel a confirmé le jugement et écarté l’existence d’un lien de subordination, considérant que  :

  • Le travailleur ne rapporte pas la preuve qu’il était dans l’obligation de respecter des horaires de travail, une formation complète et de participer à des réunions en dehors de son temps de travail.
  • La mise à disposition d’une tenue et d’un téléphone portable n’établit pas la réalité d’un lien de subordination
  • Le système de géolocalisation par GPS, si toutefois le contraire n’est pas démontré, n’établit pas un pouvoir de contrôle ni un pouvoir de sanction de l’employeur.
  • Le fait que le travailleur ne dispose d’aucune clientèle personnelle n’a aucune incidence sur l’existence d’un lien de subordination tout comme le régime d’auto-facturation que la loi autorise dans certaines conditions dans le cadre d’un contrat de prestation de service.

La Cour d’appel de Paris pose ainsi les bases solides de la recherche de la preuve relative à la caractérisation du lien de subordination. Le port d’une tenue, le suivi par géolocalisation, l’incitation à travailler durant certains horaires, la possible résiliation du contrat en cas de contre-performance, ne sont pas des éléments suffisants pour établir l’existence d’un contrat de travail.

Cette décision rappelle que chaque litige est particulier et doit s’apprécier in concreto, à l’aide de la méthode du faisceau d’indices.

Il ne peut y avoir de requalification systématique des contrats de ces livreurs en contrat de travail.