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La Cour de cassation apporte des précisions sur les conditions de la diffamation commise via un lien hypertexte

27 novembre 2020 | Derriennic Associés |

A l’occasion de deux arrêts rendus le 1er septembre 2020 (n°19-82.055 et n°19-84.505), la Cour de Cassation a pris soin de rappeler comment les juges du fond doivent articuler la jurisprudence de la Cour Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme, fondée sur l’article 10 de la Convention EDH avec sa propre jurisprudence en matière de diffamation publique envers un particulier et de liens hypertextes.

La première espèce (n°19-82.055) : l’hyperlien des Inrocks

Au printemps 2013, le site des Inrocks publiait un article relatif à l’affaire dite « des financements libyens de la campagne présidentielle ». Au sein de cette publication figurait un hyperlien renvoyant vers un article contemporain du Monde apportant des précisions sur la nature du financement évoqué par l’article des Inrocks. Une plainte pour diffamation fut déposée à l’encontre du journal.

En 1ère instance, les juges déclarèrent l’action irrecevable. En appel, le jugement fut confirmé. La cour d’Appel retenant que si un lien hypertexte peut caractériser un élément extrinsèque d’indentification en ce qu’il peut permettre l’identification de la personne visée, il convient de prendre en compte le contexte dans lequel il est publié.

La Cour de Cassation appuya l’appréciation des juges du second degré en soulignant que d’une part le lectorat des Inrocks devait être pris en compte et d’autre part, que la présence d’une multitude d’autres liens ne pouvait permettre une identification certaine de la personne prétendument diffamée.

Le second arrêt (n°19-84.505) : la publication d’une députée sur Facebook

En 2017, une élue locale avait, inséré un lien hypertexte dans sa publication commentant la gestion par l’organisation Alternative libertaire d’un de ses membres soupçonné d’avoir commis un viol. Le suspect présumé s’estimant diffamé par les propos de la rédactrice porté plainte à son encontre.

L’action fut déclarée irrecevable en première instance par le tribunal correctionnel de Paris. En appel, les juges accueillirent l’action. La Cour de Cassation devait alors trancher.

C’est en visant la jurisprudence de la Cour Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme ainsi que la sienne qu’elle retint :

  • Que le recours à un lien hypertexte renvoyant vers un contenu diffamatoire fait courir un nouveau délai de prescription,
  • Que l’appréciation de la réunion des éléments constitutifs du délit de diffamation publique impose d’une la prise en compte des modalités et du contexte dans lequel le lien est inséré, d’autre part la teneur du texte dans lequel est incrusté le lien.

En l’espèce, les propos de la prévenue prenaient le parfait contrepied de ceux vers lesquels son lien renvoyait. De telle sorte que l’infraction ne pouvait être constituée.