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En cas de reproduction de paroles de chansons sans autorisation des ayants-droits, l’exception de courte citation coupe court à toute condamnation en contrefaçon

29 mars 2023 | Derriennic associés|

Pour la Haute juridiction, la reproduction dans un ouvrage biographique de plus de 131 extraits de chansons d’un auteur-compositeur est éligible à l’exception de courte citation et ne porte pas atteinte au droit moral de l’auteur-compositeur, ce qui exclut une condamnation pour contrefaçon.

En l’espèce, la société Librairie Arthème Fayard a publié un livre biographique portant sur Jean Ferrat, intitulé « Jean Ferrat « Je ne chante pas pour passer le temps » », et reproduisant plus de 131 extraits de chansons de l’auteur-compositeur. Cette biographie vise à montrer la cohérence de la carrière, de l’œuvre et de la vie de l’artiste, en s’attachant à une analyse singulière  des paroles de ses chansons.

L’exécuteur testamentaire en charge de l’exercice du droit moral de l’auteur-compositeur et artiste-interprète, ainsi que la société de production titulaire des droits de reproduction des œuvres de Jean Ferrat, ont assigné l’éditeur en contrefaçon.

L’éditeur se prévaut pour sa part d’une des exceptions légales aux droits de reproduction et de représentation permettant l’utilisation d’une œuvre sans autorisation du titulaire des droits, à savoir l’exception de courte citation.

Selon lui, la reproduction des extraits des paroles des chansons de Jean Ferrat était, en effet, nécessaire afin d’exposer le contexte dans lequel s’inscrivaient ces citations, et permettre l’analyse critique de la chanson citée.

La Cour de cassation rappelle, tout d’abord, les conditions ouvrant droit au régime de la courte citation, lequel déroge au monopole attaché au droit d’auteur : « l’auteur ne peut, en application de l’article L. 122-5, 3º, du code de la propriété intellectuelle, interdire les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’œuvre à laquelle elles sont incorporées, sous réserve que soient indiqués clairement le nom de l’auteur et la source ».

La Haute juridiction valide, ensuite, le raisonnement suivi par la Cour d’appel qui a retenu l’exception de courte citation, dès lors que le texte et la musique d’une chanson relèvent de genres différents et sont ainsi dissociables. En conséquence, la reproduction de paroles de chansons sans la mélodie associée ne porte pas nécessairement atteinte au droit moral de l’auteur.

En outre, la Cour relève que « la société Librairie Arthème Fayard avait, par un exposé, pour chaque citation, de son contexte, démontré que chacune d’elles était nécessaire à l’analyse critique de la chanson (…), permettant au lecteur de comprendre le sens de l’œuvre évoquée et l’engagement de l’artiste, et que ces citations ne s’inscrivaient pas dans une démarche commerciale ou publicitaire mais étaient justifiées par le caractère pédagogique et d’information de l’ouvrage qui, richement documenté, s’attachait à mettre en perspective les textes des chansons au travers des étapes de la vie de [l’auteur-compositeur] ».