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Faute lourde et caractère intentionnel : la mise au point de la cour de cassation

10 septembre 2024 | Derriennic Associés|

La cour de cassation recadre les juges du fond : le caractère intentionnel du manquement n’a pas à être démontré pour retenir la faute lourde et écarter le plafond de responsabilité contractuelle. 

Une société avait contractualisé en 2009 avec un éditeur de logiciel spécialiste des solutions de traitement des ressources humaines la fourniture d’un logiciel en vue du traitement automatique de la paie et gestion administrative de son personnel. En 2016, le client avait découvert une erreur sur les bulletins de salaires et réclamé au prestataire informatique la prise en charge des surcouts des primes versées à ses salariés. Le client avait assigné son cocontractant en paiement d’une somme d’environ 95K€.

Le tribunal de commerce avait fait pleinement droit à la demande indemnitaire du client. L’éditeur avait interjeté appel considérant avoir rempli ses obligations et que le client était seul responsable du préjudice subi, subsidiairement il faisait valoir l’application de la clause limitative de responsabilité prévue contractuellement.

La cour d’appel de Paris avait confirmé le jugement en ce qu’il avait retenu la responsabilité de l’éditeur (tout en retenant une responsabilité partagée), mais l’avait infirmé s’agissant du montant, le plafonnement du préjudice devant être retenu. Pour les juges, il ne se déduisait pas de la faute du prestataire informatique la preuve d’un refus délibéré de l’exécution de l’obligation contractuelle, de sorte que le dol était écarté et la clause limitative appliquée.

Le client a formé un pourvoi considérant notamment que la cour d’appel avait à tort érigé le caractère intentionnel de la faute en condition de la qualification de faute lourde.

La Haute Juridiction accueille ce moyen et sanctionne fermement la décision. La Cour de cassation va rappeler la définition de la faute lourde qui fait échec à la limitation de responsabilité. Il s’agit d’un comportement d’une extrême gravité, confinant au dol et dénotant l’inaptitude du débiteur de l’obligation à l’accomplissement de la mission contractuelle qu’il avait acceptée. L’existence d’une faute lourde n’exige pas la preuve de son caractère intentionnel ; l’arrêt du 13 janvier 2023 de la cour d’appel de Paris est par conséquent cassé pour violation de l’article 1150 du code civil (dans sa réaction antérieure à la réforme des contrats).     

Source : Cour de cassation, Chambre commerciale financière et économique, 26 juin 2024, n°23-14.306