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Focus : location de matériel informatique

04 février 2016 | Derriennic Associés |

Depuis quelques années déjà, les modalités financières des contrats de location de matériel informatique sont la cible de nombreuses critiques.

Notamment ces critiques concernent deux cas de figure fréquemment rencontrés, à savoir :

• Lorsque le locataire conserve les matériels au-delà du terme prévu au contrat, une clause prévoit systématiquement l’obligation pour le locataire de payer des indemnités de jouissance d’un montant équivalent aux loyers antérieurement payés (Cas de figure n°1), ou
• Lorsque le locataire met un terme anticipé à la location, une clause prévoit systématiquement l’obligation pour le locataire de payer des indemnités de résiliation équivalentes au montant des loyers qui auraient été dus jusqu’au terme du contrat si celui-ci n’avait pas été résilié (cas de figure n°2)
Jusqu’à présent, les tribunaux remettaient rarement en cause le montant des indemnités et s’appuyaient sur la force obligatoire de telles clauses dès lors que le locataire y avait valablement consenti.

Or récemment, trois décisions rendues par les Cours d’appel de Versailles et Douai ont donné l’occasion aux juges de réviser le montant des indemnités dans les deux cas de figure évoqués après avoir qualifiées les clauses litigieuses de clause pénales.

Cas de figure n°1 – Indemnité de jouissance :

• Arrêt n°1, CA Versailles, 13ème, 6 août 2015, 13/05623
Dans le premier arrêt, la Cour a considéré que la clause prévoyant une indemnité de jouissance exigible par le loueur lorsqu’un locataire conserve des matériels après le terme de la location est une clause pénale.

Ainsi, la cour justifie son raisonnement de la manière suivante : « (l’indemnité en question) représente pour le bailleur une contrepartie du service dont le locataire continue de bénéficier après le terme de la location en conservant les matériels loués » mais qu’elle « vise également à contraindre le locataire à restituer le matériel loué et constitue une évaluation forfaitaire et anticipée du préjudice résultant par le bailleur de l’inexécution de l’obligation de restitution et qu’elle s’applique du seul fait de cette inexécution ; qu’elle remplit donc une fonction tant comminatoire que réparatrice et doit dès lors être qualifiée de clause pénale ».

Cas de figure n°2 – Indemnité de résiliation anticipée :

• Arrêt n°2, CA Douai, 1ère Chambre Section 1, 17 décembre 2015 – 14/06933
Dans le second arrêt, on retiendra que la Cour a procédé à une analyse de la clause litigieuse en la qualifiant de clause pénale puis en a tiré les conséquences en jugeant que le montant prévu était manifestement excessif au regard du préjudice subi par le loueur.

Ainsi, elle indique de manière claire que « la résiliation du contrat met fin à l’obligation de paiement des loyers, qui n’a plus de cause, de sorte que la clause susvisée s’analyse en une clause pénale tant en ce qu’elle prévoit le paiement d’une somme ‘égale à la totalité des loyers restant à courir’, ce qui constitue une pénalité, qu’en ce qui concerne les deux pénalités de 10 % complémentaires ;

que la clause pénale, aux termes de l’article 1229 du code civil, est la compensation des dommages et intérêts que le créancier souffre de l’inexécution de l’obligation principale ; qu’en l’espèce, la triple pénalité prévue est manifestement excessive au regard du préjudice subi par l’intimée »

• Arrêt n°3, CA Versailles, 16ème 24 septembre 2015 – 14/03950
Dans le troisième arrêt, la qualification de la clause litigieuse en tant que clause pénale n’était pas remise en cause, mais on retiendra dans cet arrêt que, s’agissant d’indemnités de résiliation, la Cour a retenu plusieurs critères justifiant d’en réduire le montant.

Ainsi, elle prend en compte quatre éléments pour justifier d’une réduction de la somme « les indemnités réclamées au titre de la clause pénale (…) apparaissent manifestement excessives ainsi que l’a exactement apprécié le premier juge, eu égard notamment à la possibilité de relouer (le matériel) qui appartient au bailleur, à la récupération fut-ce partielle des matériels et à la durée du contrat ainsi qu’à l’économie des rapports contractuels ».