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Focus sur la directive « secret des affaires »

05 mars 2016 | Derriennic Associés |

Pour rappel, la Commission a présenté en 2013 une directive sur le secret des affaires dont l’objectif est d’harmoniser cette notion entre les différents pays européens et protéger les entreprises européennes, souvent victimes de divulgation de secret affaires. Ce projet a été et est encore très discuté, compte tenu notamment d’intérêts opposés en présence (protection des entreprises versus protection des sources journalistiques et des lanceurs d’alerte) et du difficile accord sur la définition de la notion de secret des affaires laquelle serait trop large.

Le 15 décembre 2015, les représentants du Parlement européen, du Conseil de l’Union Européenne et de la Commission européenne sont parvenus à un accord provisoire sur le projet de directive et le 28 janvier dernier, la Commission des affaires juridiques du Parlement a approuvé ce texte.

Le texte introduit de nouvelles définitions, principalement celle de secrets d’affaires, et délimite les contours de la protection de celui-ci.

Les secrets d’affaire sont ainsi définis comme : une information secrète qui a une valeur commerciale du fait de ce caractère secret et qui a fait l’objet de dispositions raisonnables pour être gardées secrètes par la personne la détenant. Cela vise ainsi autant les informations techniques que commerciales.

Le projet de directive définit ensuite ce qui constitue une obtention licite et illicite d’un secret d’affaires.

Par exemple est considéré comme licite : l’obtention d’un secret d’affaires par une « découverte indépendante » ; l’observation et l’étude d’un produit ou d’un objet accessible au public ou qui est licitement en possession de la personne ayant obtenu l’information, cette personne devra, par ailleurs, être libre d’une quelconque disposition contractuelle limitant son accès au secret d’affaires en cause (cela vise les salariés, sous-traitants, fournisseurs liés par des clauses de confidentialité) ; l’obtention d’un secret d’affaires par les travailleurs ou leurs représentants dans l’exercice de leur droit à l’information et à la consultation ou qui résulte de toute autre pratique conforme « aux usages commerciaux honnêtes ».

Est considéré comme illicite, l’obtention : « sans le consentement de son détenteur lorsqu’elle résulte d’un accès non autorisé à tout document, objet, fichier électronique, etc. que le détenteur du secret contrôle de façon licite et qui contiennent ledit secret ou dont ledit secret peut être déduit ». Il en va de même pour tout comportement considéré comme contraire aux usages commerciaux honnêtes.

Le texte définit par ailleurs les notions d’utilisation et de divulgation illicite d’un secret d’affaires.

A noter que dans l’ensemble de ces définitions, relativement large, il n’est pas fait référence aux notions d’ « intentionnalité » ou de négligence grave.

Les dispositions du texte arrêté contraignent également les Etats membres à garantir que les victimes d’une utilisation abusive de secret d’affaires puissent défendre leurs droits et demander réparation devant les tribunaux (mesures provisoires, conservatoires et correctives, obtention de dommages et intérêts). Le texte prévoit, en outre, des règles sur la protection des informations confidentielles pendant le procès et un délai de prescription à définir par les Etats membres ne pouvant aller au-delà de 6 ans.

Enfin, le texte prévoit des cas précis d’exclusions de l’application de la directive afin de répondre aux intérêts de la presse, des lanceurs d’alerte et des salariés.

Est ainsi exclu du champ d’application de la directive l’exercice du droit à la liberté d’expression et d’information, tel que prévu par la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne ; l’application des règles nationales ou de l’Union Européenne qui requièrent du détenteur d’un secret qu’il le révèle au public pour des raisons d’intérêt public.

Aussi, il n’y aura pas de poursuite à l’encontre d’une personne qui révèle une fraude ou une activité illégale dans le cas où cette dernière agit dans le but de protéger l’intérêt public général.

Par ailleurs, les salariés ne pourront pas être traduits en justice s’ils ont révélé le secret d’affaires à leurs représentants si nécessaire à l’exercice légitime des fonctions de ceux-ci.

Ce texte doit encore être voté par le Parlement en assemblée plénière, vote qui devrait, en principe, intervenir en avril, puis par le Conseil de l’UE. Après la publication du texte, il sera alors laissé deux ans aux Etats membres pour transposer le texte en droit interne.

Avec une entrée en vigueur prévue d’ici 2019, la connaissance de ce dispositif juridique unifié est essentiel pour les entreprises innovantes.