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Google interdit de vendre des mots clés liés à la vente illicite de billets de spectacle en ligne

15 janvier 2021 | Derriennic Associés|

Tribunal judiciaire de Paris, 3ème ch. – 1ère sec., jugement du 15 octobre 2020

Par un jugement rendu en date du 15 octobre 2020, le Tribunal judiciaire de Paris a interdit à GOOGLE de permettre l’achat de certains mots-clés par le biais de son service Google Ads, en vue de la vente de billets de spectacle sans autorisation écrite du producteur du spectacle concerné.

Le litige opposait d’une part, le syndicat national des producteurs, diffuseurs, festivals et salles de spectacle musical et de variété (ci-après le « PRODISS ») et, d’autre part, la société GOOGLE FRANCE et la société GOOGLE IRELAND, qui exploitent le moteur de recherche “Google” et mettent à la disposition des professionnels un service de régie publicitaire, anciennement “Google Adwords” et devenu “Google Ads” en 2018. Ce service permet d’afficher des annonces publicitaires sur les pages de résultats du moteur de recherche.

Pour mémoire, l’article 313-6-2 du code pénal prohibe la vente de billets de spectacle, réalisée de manière habituelle, et sans l’autorisation du producteur ou de l’organisateur de spectacle. L’auteur de ces faits encourt 15.000 euros d’amende, 30.000 en cas de récidive.

Le PRODISS a constaté que la recherche sur le moteur “Google” amenait comme résultats, des annonces publicitaires de ventes de billets de spectacles, renvoyant vers des sites non autorisés par les producteurs de ces spectacles à vendre ces billets.

Par acte du 21 février 2019, le PRODISS a fait assigner les sociétés GOOGLE FRANCE et GOOGLE IRELAND (ci-après « GOOGLE ») devant le tribunal judiciaire de Paris afin notamment qu’il leur soit enjoint de mettre en œuvre les mesures propres à empêcher l’usage “Google Ads” pour la promotion d’activité de vente de billets en violation des dispositions du code pénal.

Le PRODISS estime que GOOGLE a commis une faute en autorisant la publication d’annonces publicitaires pour des services de vente de billets qu’elle savait illicites.

Aussi, le PRODISS considère qu’en tant que professionnel, GOOGLE doit « faire preuve de discernement et contrôler la diffusion des message publicitaires dont le caractère critiquable est manifeste ».

En réponse, GOOGLE estime « que l’existence ponctuelle de reventes illicites ne permet pas de déduire le caractère entièrement illicite des sites visés par le PRODISS » et, soutient qu’il ne lui appartient pas de contrôler les sites d’annonceurs dont l’illicéité n’a pas été démontrée.

Dans un jugement rendu en date du 15 octobre 2020, le Tribunal judiciaire de Paris fait partiellement droit aux demandes du PRODISS.

En premier lieu, s’agissant de la responsabilité de GOOGLE, le Tribunal rappelle que l’article 313-6-2 du code pénal qui prohibe la vente de billets de spectacle sans l’autorisation du producteur ou de l’organisateur de spectacle, visé par le PRODISS, a été validé par le Conseil constitutionnel qui a considéré que « l’incrimination en cause doit permettre de lutter contre l’organisation d’une augmentation artificielle des prix des titres d’accès à ces manifestations et spectacles ».

Selon le Tribunal, « il n’est pas contestable qu’en fournissant ce service publicitaire à des professionnels, qui offrent à la vente des billets de spectacles alors même qu’ils sont dépourvus de l’autorisation de leur producteur ou de leur organisateur à cette fin, la société GOOGLE IRELAND a engagé sa responsabilité à l’égard de ces producteurs ou organisateurs, représentés par leur syndicat, dont le texte ci-dessus vise, notamment, à protéger les lourds investissements ».

Le Tribunal interdit donc à GOOGLE de permettre l’achat de mots-clés « achat/vente, billets/tickets et spectacle/concert » via son service Google Ads pour toute annonce destinée à un public situé en France, en vue de la vente de billets de spectacle sans autorisation écrite du producteur du spectacle concerné, sous astreinte de 1 000 € par infraction constatée.

En second lieu, le Tribunal enjoint GOOGLE de subordonner l’achat de ces mots clés à la justification d’une autorisation écrite du producteur concerné par l’annonce.

En dernier lieu, le Tribunal condamne GOOGLE à verser au PRODISS la somme de 40 000 € au titre du préjudice d’image subi et 20 000 € au titre de l’article 700 du CPC.