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Inopposabilité des CGV et responsabilité du prestataire

05 juillet 2022 | Derriennic Associés|

L’arrêt revient sur des éléments clés du droit des contrats, éclairant des problématiques récurrentes dans la vie des affaires : Le prestataire (i) qui se prévaut de l’application de ses CGV ne peut se contenter d’établir qu’elles ont été adressées au client, (ii) ne peut s’exonérer de sa responsabilité pour force majeure en cas de maladie d’un collaborateur, même en cas de compétence très spécifique, le caractère d’imprévisibilité faisant défaut.

Une société confie à un prestataire la certification de ses produits en vue de leur commercialisation. Le prestataire n’est pas en mesure d’assurer un des audits prévus contractuellement en raison de l’hospitalisation urgente du consultant en charge. La certification de certains produits est suspendue, conduisant à la mise en demeure du prestataire d’indemniser le préjudice subi et à son assignation par le client devant le tribunal de commerce de Marseille.

Par jugement en date du 14 juin 2018 le tribunal condamne le prestataire mais ne retient qu’une faible part de la demande de réparation du client.

La cour va se prononcer sur deux sujets pour confirmer le jugement.

D’une part, le client faisait valoir que les conditions générales du prestataire lui étaient inopposables et par conséquent que la clause relative à la force majeure et celle limitative de responsabilité ne pouvaient s’appliquer. Le prestataire se prévaut de l’envoi des CGV en pièce jointe d’un courriel à l’occasion de la proposition commerciale.

Les juges, au visa de l’article 1134 ancien du code civil, rappellent que les conditions générales, partie intégrante du contrat, ne sont opposables à une partie que pour autant que ces conditions ont été portées à sa connaissance et qu’elle les a acceptées. L’acceptation peut être déduite des circonstances et notamment du renvoi fait aux conditions générales de vente par le contrat signé.

En l’espèce, il ne peut être déduit du seul envoi des CGV une quelconque acceptation de leur contenu alors même qu’aucune référence à ces clauses n’est faite dans les échanges ultérieurs et a fortiori aucune acceptation ni explicite ni implicite. Le caractère commercial des relations existant entre les parties ne peut dispenser les cocontractants d’établir la preuve de l’étendue de leur consentement aux conditions présidant à leurs relations contractuelles.

Pour autant, la cour va juger que le tribunal a fait une juste appréciation du préjudice allégué par le client.

D’autre part, le prestataire, qui a commis une faute dans l’exécution de ses obligations contractuelles, soutient que l’hospitalisation soudaine constitue un cas de force majeure l’exonérant de sa responsabilité.

Au visa de l’article 1148 ancien du code civil, la cour rappelle qu’il a été jugé qu’est constitutive d’un cas de force majeure la maladie du débiteur l’empêchant de fournir sa prestation, dès lors qu’elle a présenté un caractère imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible dans son exécution.

Si la spécificité particulière des compétences requises peut être admise, compte tenu du nombre de collaborateurs de l’entreprise, celle-ci ne peut exciper de l’impossibilité pour elle de prévoir l’hypothèse de l’indisponibilité pour maladie, circonstance qui pouvait être raisonnablement anticipée et ne constitue pas, pour un chef d’entreprise, un motif d’imprévisibilité.

Source : Cour d’appel d’Aix-en-Provence, Arrêt du 31 mars 2022, Répertoire général nº 18/16219