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La communication des bulletins de paie de salariés par l’employeur, même a des fins probatoires, peut constituer une atteinte injustifiée a leur vie privée

13 décembre 2018 | Derriennic Associés |

Le 7 novembre dernier, la Cour de cassation a approuvé des juges du fond d’avoir accordé une réparation à des salariés dont le bulletin de paie avait été communiqué à des fins probatoires dans le cadre d’un litige, en se fondant sur l’article 9 du code civil : « la seule constatation de l’atteinte à la vie privée ouvre droit à réparation ».

Pour mémoire, la jurisprudence encourageait jusqu’alors la production de tout élément détenu par l’employeur en vue d’une discussion contradictoire, et ce, en écartant les arguments tenant au principe de l’égalité des armes, du secret des affaires ou du respect de la vie privée (Cass. soc. 19 décembre 2012 n° 10-20.526 et Cass. soc. 4 juin 2014 n° 13-13.672).

Il était ainsi admis, voire exigé, que l’employeur révèle dans le cadre d’un litige les contrats de travail, bulletins de paie, montant des primes, tableaux d’avancement et de promotion de ses salariés…

L’employeur ne disposait d’aucun moyen pour s’opposer à une telle communication, puisqu’il était considéré que l’atteinte à la vie privée était justifiée par un motif légitime tenant à la protection des droits de la partie qui les sollicite.

Par exception, la Cour de cassation vient donc de reconnaitre que l’obligation de transmission par l’employeur n’était pas illimitée en se fondant sur le respect de la vie privée.

Pour autant, il ne s’agit pas d’un réel revirement, puisque la Cour de cassation ne sanctionne pas la communication des bulletins de paie en elle-même, mais l’absence de consentement préalable des salariés d’une part, et par ailleurs, la communication de l’intégralité des mentions du bulletin de paie alors que certaines n’étaient pas requises par le litige.

Ainsi, la Cour de cassation continue d’approuver la communication de certaines informations : cette communication étant justifiée par les besoins du litige.

En revanche, elle considère que la communication des autres mentions n’était pas justifiée, de sorte qu’il y a bien une atteinte à la vie privée des salariés.

Il demeure la question du consentement du salarié qui semble requis, sans que la Cour de cassation ne précise si cet accord préalable est exigé avant toute communication ou seulement celles qui ne relèvent pas d’un intérêt légitime de l’employeur au sens de la règlementation sur les données personnelles.

Dans la première hypothèse, l’employeur pourrait alors se prévaloir du refus du salarié pour faire obstacle à une telle communication.