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La lutte contre le dopage justifie-t-elle la géolocalisation des sportifs ?

27 mars 2018 | Derriennic Associés|

Dans un arrêt du 18 janvier 2018, FNASS et autres c. France (Requêtes nos 48151/11 et 77769/13), la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) valide le système de géolocalisation mis en place dans le cadre de la lutte anti-dopage. Malgré l’impact que la localisation a sur la vie privée des sportifs, la Cour considère que les motifs d’intérêt général justifient les ingérences.

Les faits et la procédure :

Le 14 avril 2010, le Gouvernement français a pris une ordonnance instaurant une obligation pour les sportifs relevant d’un « groupe cible » de transmettre des informations propres à permettre leur localisation, en vue de réaliser des contrôles antidopage inopinés.

Le 1er juin 2010, les requérants, composés de FNASS et d’autres syndicats sportifs, ont demandé au Conseil d’État l’annulation des dispositions de l’ordonnance concernant cette obligation de localisation. Ils dénoncèrent un système de contrôle « particulièrement intrusif » qui permettait de réaliser des contrôles hors des manifestations sportives et des périodes d’entraînement.  Ils se sont plaints notamment d’une atteinte à leur liberté d’aller et venir et à leur droit à la vie privée. Le Conseil d’État a rejeté la requête.

Dans une procédure parallèle, une requérante, Jeannie Longo, coureuse cycliste française qui fut désignée parmi les sportifs du « groupe cible », attaqua la délibération de désignation devant le Conseil d’État et souleva une QPC que le Conseil d’Etat refusa de transmettre.

Une ingérence manifeste dans la vie privée des sportifs

Dans l’arrêt du 18 janvier 2018, la CEDH observe que les requérants désignés dans le groupe cible sont contraints de fournir des informations précises sur leurs lieux de résidence et leurs déplacements quotidiens sept jours sur sept. Elle relève que les requérants n’ont parfois pas d’autre choix que de se localiser à leur domicile. Cette exigence de transparence et de disponibilité qui réduit l’autonomie personnelle des sportifs suffit à la Cour pour considérer que les obligations de localisation portent atteinte à la vie privée des requérants et de la requérante.

Une ingérence nécessaire et proportionnée

Sur la nécessité de l’ingérence dans une société démocratique, la Cour observe le vaste consensus des autorités médicales, gouvernementales et internationales pour dénoncer et combattre les dangers que représente le dopage pour l’organisme des sportifs, notamment par des contrôles inopinés.

Quant à la recherche d’un équilibre, la Cour ne sous-estime pas l’impact que les obligations de localisation ont sur la vie privée des requérants. Cela étant, elle relève que :

  • Le dispositif de localisation a le mérite de fixer un cadre légal à la lutte antidopage.
  • La localisation à leur domicile se fait à leur demande et selon une plage horaire déterminée.
  • Les requérants ne démontrent pas que des contrôles limités aux lieux d’entraînement et respectant les moments dédiés à la vie privée suffiraient pour réaliser les objectifs fixés par les autorités nationales.

La Cour juge donc que l’État a trouvé un juste équilibre entre les différents intérêts en jeu et qu’il n’y a pas eu violation de l’article 8 de la CEDH.