CONTACT

La possibilité de faire opposition à l’entrée en vigueur d’un accord collectif par voie électronique

17 mai 2017 | Derriennic Associés|

Cass. Soc. 23 mars 2017, n°16-13.159 (FSPB) : la Cour de cassation affirme que la notification de l’opposition d’un accord ou d’une convention collective par les organisations syndicales non signataires peut se faire par la voie électronique.

Pour rappel, avant la Loi Travail (loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels), la validité d’une convention collective ou d’un accord professionnel est subordonnée à sa signature par des organisations syndicales de salariés représentatives, ayant recueilli au moins 30% des suffrages exprimés aux dernières élections des titulaires du comité d’entreprise, de la délégation unique du personnel ou des délégués du personnel. Cependant, les organisations syndicales non signataires représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés au premier tour des élections, peuvent s’opposer à l’entrée en vigueur d’un accord ou d’une convention collective.

L’article L.2231-8 du Code du travail prévoit que cette opposition doit être exprimée par écrit et motivée, préciser les points de désaccord, et être notifiée aux signataires de l’accord.

En l’espèce, un accord relatif à la classification des emplois et à la révision de certains articles de la convention collective nationale de Pôle Emploi avait été signé par plusieurs syndicats. Cet accord avait ensuite été adressé aux organisations syndicales non signataires, qui avaient décidé de former opposition à son encontre. Cette opposition avait été notifiée par remise en main propre et communiquée par courriers électroniques à chaque syndicat signataire. Des syndicats contestaient ce procédé, affirmant qu’à défaut de texte spécifique autorisant une communication de l’opposition par courrier électronique, seul un courrier physique, papier, pouvait constituer un écrit. D’autre part, ils avançaient que la notification de l’opposition devait se faire dans le respect des articles 667 et suivants du Code de procédure civile, et ne pouvait dès lors pas être réalisée par voie électronique.

La Cour d’appel de Paris rejette ces arguments, confirmant la décision de première instance. Elle juge que la notification de l’opposition aux parties signataires de l’accord peut se faire par la voie électronique au même titre que la notification de l’accord lui-même à condition de faire connaitre aux parties signataires l’identité des organisations syndicales faisant opposition. L’article L. 2231-5 du Code du travail dispose que « la partie la plus diligente des organisations syndicales signataires d’une convention ou d’un accord en notifie le texte à l’ensemble des organisations représentatives à l’issue de la procédure de signature », et l’article D. 2231-7 du Code du travail prévoit que le dépôt des conventions et accords collectifs s’accompagne « dans tous les cas, d’une copie du courrier, du courrier électronique ou du récépissé ou d’un avis de réception daté de notification du texte à l’ensemble des organisations représentatives à l’issue de la procédure de signature […] ».

La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par les syndicats, retenant que l’opposition à l’entrée en vigueur d’une convention ou d’un accord d’entreprise doit être formée par des personnes mandatées par le syndicat et être notifiée aux signataires de l’accord, et que la notification de l’opposition par la voie électronique satisfait à ces exigences.

La portée de l’arrêt est intéressante sur le moyen terme : en effet, la Loi Travail fait progressivement disparaitre le mécanisme de l’opposition.

Désormais, pour être valides, les accords d’entreprise ou d’établissement portant sur la durée du travail, le repos, les congés ainsi que les accords de préservation de l’emploi devront être majoritaires, donc signés par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins 50% des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections (des titulaires au CE / de la délégation unique du personnel / des délégués du personnel) et non plus 30%.

Le droit d’opposition est donc supprimé pour ces thèmes. Et à compter du 1erseptembre 2019, les autres champs de négociation seront également concernés.

Jusqu’en 2019 donc, pour les champs de négociation qui continuent à pouvoir faire l’objet d’une opposition, la portée de cet arrêt pourra jouer. Pour les conventions de branche et les accords interprofessionnels, le droit d’opposition demeure.