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Précisions sur la prise en charge d’une maladie « hors tableau » comme maladie professionnelle

17 mai 2017 | Derriennic Associés |

Cass. Civ. 2ème, 19 janvier 2017 n°15-26.655 (FSPB) : pour la Cour de cassation, le taux d’incapacité permanent de 25 %, critère permettant la prise en charge d’une pathologie « hors tableau », doit s’apprécier au moment du contrôle médical dans le dossier constitué préalablement à la saisine du Comité régional de reconnaissance des maladie professionnelle (CRRMP), et non après la consolidation de l’état de santé de la victime pour l’indemnisation.

Le Code de la sécurité sociale contient près d’une centaine de tableaux de maladies présumées être d’origine professionnelle et devant être prises en charge par les caisses d’assurance maladie. Lorsqu’une pathologie ne figure pas dans un tableau, elle n’est pas présumée d’origine professionnelle. Sa prise en charge est donc contrôlée par un CRRMP. Mais seules les pathologies « hors tableau » qui sont graves pourront être instruites et prises en charge, c’est-à-dire celles qui entraînent le décès de la victime ou une incapacité permanente d’au moins 25%.

En l’espèce, le salarié  d’une société embauché en 1980 avait contracté un cancer, se manifestant par un carcinome épidermoïde survenu en dehors de tout contexte d’intoxication tabagique mais imputable à une importante exposition passive du tabagisme sur son lieu de travail. En effet, il avait travaillé dans une cabine non ventilée de 13m2 dans laquelle deux de ses collègues fumaient, lui-même n’ayant jamais fumé.

Sa pathologie ne figurant pas dans les tableaux des maladies professionnelles visées par le Code de la sécurité sociale, le salarié l’a déclarée à la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), qui a instruit une enquête administrative.

  • Le médecin-conseil de la CPAM a estimé dans son avis que l’état du salarié était stabilisé et qu’il se trouvait en incapacité permanente au moins égale à 25%.
  • La CPAM a alors saisi le CRRMP, qui a admis qu’existait un lien direct et essentiel entre la maladie alléguée et les conditions de travail du salarié.

Au vu de l’avis de son médecin-conseil et du CRRMP, la CPAM a décidé de prendre en charge la pathologie du salarié. Or, après consolidation de l’état de santé du salarié, la caisse a fixé le taux d’incapacité permanente du salarié à 20%. Le Tribunal du contentieux de l’incapacité (TCI) a ensuite infirmé cette décision et fixé à 10% le taux d’incapacité permanente du salarié.

La société a alors saisi la Commission de recours amiable (CRA) de la CPAM en contestation de la décision de prise en charge de la pathologie. Suite au silence de la CRA, considérant sa demande comme rejetée, la société a saisi le Tribunal des affaires de la sécurité sociale (TASS). Estimant que le recours avait été exercé hors délai, le TASS a jugé la décision de prise en charge de la pathologie par la CPAM opposable à l’employeur.

La cour d’appel a infirmé le jugement du TASS et a déclaré inopposable la décision de prise en charge de la pathologie à l’employeur, jugeant que la maladie ne rentrait pas dans les conditions fixées par les articles L. 461-1 et R. 461-8 du Code de la sécurité socialecar elle n’était pas à l’origine d’une incapacité permanente d’au moins 25% après consolidation.

La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel. Elle retient que le taux d’incapacité permanent devant être pris en compte est celui évalué dans le cadre de l’examen instruit par la CPAM en vue de la saisine du CRRMP et non celui fixé après consolidation de l’état de santé de la victime. Le salarié s’étant vu reconnaitre un taux d’incapacité permanente de 25% dans le cadre de cet examen préalable, il doit donc être indemnisé des conséquences de sa maladie « hors tableau ».

C’est une véritable construction prétorienne à laquelle la Cour se livre puisqu’elle a cassé l’arrêt de la cour d’appel pour violation de la loi, alors que celle-ci ne prévoit pas que la condition de gravité puisse être prévisionnelle mais parle d’incapacité « permanente ».

Cette solution consacrée par la Cour de cassation permet de rendre régulière la prise en charge d’une pathologie même s’il apparait a posteriori que les condit  ions de gravité n’ont pas été remplies. Concrètement, cela permettra d’éviter à un salarié de se voir opposer une demande de refus de prise en charge en attendant que son état de santé soit tout à fait consolidé.