CONTACT

La résiliation de la mission confiée à l’employeur par son client ne permet pas de rompre le CDI de chantier

23 septembre 2019 | Derriennic Associés|

Cass. Soc. 9 mai 2019 n°17-27.493

Pour la Chambre sociale de la Cour de Cassation , la résiliation de la mission confiée à l’employeur par son client ne saurait constituer la fin de chantier permettant de justifier la rupture du contrat de travail.

La particularité du contrat de chantier est de permettre l’embauche d’un salarié, par contrat à durée indéterminée, pour la réalisation d’un ouvrage ou de travaux précis pour une durée ne pouvant être définie préalablement avec certitude.

Le recours à ce type de contrat peut être prévu par accord ou convention de branche étendu, ou dans les secteurs où son usage est habituel et conforme à l’exercice régulier de la profession qui y recours. A la fin du chantier ou de l’opération, l’employeur peut procéder au licenciement du salarié pour motif personnel (article L.1236-8 du Code du travail).

Une incertitude demeurait jusqu’à présent sur le régime applicable à la rupture du contrat de travail dans l’hypothèse de la fin anticipée ou la non réalisation du chantier.

Au cas d’espèce, un salarié avait été embauché en qualité d’ingénieur consultant international par la société Louis Berger. En application de la Convention collective duite SYNTEC, les parties ont conclu le 2 janvier 2012 un CDI de chantier d’une durée initiale d’un an, renouvelé le 4 avril 2012 pour une année supplémentaire, soit jusqu’au 31 décembre 2014. La mission du salarié consistait à assister la société cliente, Fluor, qui réalisait un  projet d’exploitation minière en Guinée. Le contrat de travail indiquait précisément que « si le client de la société venait à résilier ou suspendre son contrat, l’engagement deviendrait sans objet et pourrait être rompu ». Le 3 janvier 2013, la société cliente a mis fin au contrat d’assistance confié à la société Louis Berger et celle-ci a, en conséquence, licencié le salarié en raison de la fin de la mission confiée, conformément aux termes du CDI de chantier. Le salarié a contesté ce licenciement en faisant essentiellement valoir que la rupture du contrat d’assistance par la société cliente ne constitue pas une fin de chantier, la mission (ou le chantier) n’étant pas terminée.

Le salarié a été débouté par les juges du fond, la Cour d’Appel considérant que le client avait signifié à l’employeur le terme de sa mission et sa volonté que le personnel ait quitté les locaux au 1erfévrier 2013, la fin de la mission de l’employeur entrainait l’achèvement du contrat de chantier en application de l’article L.1236-8 du Code du travail.

La question posée à la Cour de Cassation ne manque pas de pertinence et se pose fréquemment en pratique :  la rupture du contrat par le client peut-elle s’assimiler à une fin de chantier dans la mesure où l’employeur n’est plus en mesure de confier au salarié la tâche prévue par le contrat de chantier ? La Cour de Cassation répond par la négative, décidant que « la résiliation de la mission confiée à l’employeur par son client ne saurait constituer la fin de chantier permettant de justifier la rupture du contrat de travail »

De cet arrêt, il résulte que ne doivent pas être confondues la fin de la mission de l’employeur auprès de son client et la fin du chantier, seule cette dernière autorisant la rupture du contrat de chantier.

Ainsi, le retrait prématuré du chantier par le client n’autorise pas l’employeur à licencier pour fin de chantier le salarié, même en présence d’une clause du contrat de travail prévoyant expressément cette possibilité.

Cet arrêt rendu sous l’empire des textes applicables avant l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 est transposable au nouveau CDI de chantier issue des Ordonnances Macron, puisque le contrat de travail autorise la rupture du contrat « à la fin du chantier ou une fois l’opération réalisée.

Si l’employeur ne peut invoquer la fin du chantier comme motif personnel de licenciement, il pourrait toutefois être envisagé un éventuel motif économique à l’appui du licenciement. Par ailleurs, la solution dégagée par la Cour de Cassation pourrait être remise en cause dans le cadre de la négociation par les branches professionnelles, lesquelles sont autorisées, depuis le 24 septembre 2017, à négocier les modalités de rupture du contrat de chantier en cas de fin anticipée du contrat de prestation et de non réalisation du chantier.