Cour de cassation, 1ère chambre civile, 22 janvier 2020, n°17-18.177
Le régime dérogatoire au principe d’autorisation préalable des artistes-interprètes accordé au bénéfice de l’INA est une présomption simple d’autorisation, laquelle ne supprime pas l’exigence de ce consentement et ne remet pas en cause le droit exclusif de l’artiste-interprète d’autoriser ou d’interdire la reproduction de sa prestation ainsi que sa communication et sa mise à la disposition du public.
La Cour de cassation est ici saisie suite à une procédure fleuve, après deux arrêts de Cours d’appel, trois arrêts rendus par la Cour de Cassation et une décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne saisie sur question préjudicielle.
L’affaire porte sur la contestation par les ayants droit d’un jazzman de l’exploitation commerciale par l’Institut national de l’audiovisuel (ou « INA ») sur son site Internet des prestations du musicien, sans son autorisation et ce, en violation des dispositions de l’article L. 212-3 du Code de la propriété intellectuelle et du sacro-saint principe d’autorisation écrite préalable de l’artiste-interprète avant toute fixation, reproduction et communication au public de sa performance.
La question posée à la Haute juridiction était de savoir comment concilier ce principe avec le régime dérogatoire au bénéfice de l’INA et la présomption de consentement de l’artiste-interprète institués par la loi Léotard n°86-1067 du 30 septembre 1986 au titre de l’exploitation des prestations des artistes-interprètes constituant son fonds et ce, à l’aune des dispositions européennes de la Directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 sur le droit d’auteur et les droits voisins.
La Cour de cassation suit le raisonnement de la CJUE, selon laquelle les dispositions de « la directive 2001/29 doivent être interprétés en ce sens qu’[elles] ne s’opposent pas à une législation nationale qui établit, en matière d’exploitation d’archives audiovisuelles par une institution désignée à cette fin, une présomption réfragable d’autorisation de l’artiste-interprète à la fixation et à l’exploitation de sa prestation, lorsque cet artiste-interprète participe à l’enregistrement d’une œuvre audiovisuelle aux fins de sa radiodiffusion » (CJUE, 14 novembre 2019 aff. C-484/18).
La Cour de cassation relève que l’INA a une mission particulière de conservation, de valorisation et d’exploitation du patrimoine audiovisuel national, comprenant les archives audiovisuelles des sociétés nationales de programme.
La Cour relève, en outre, que le jazzman avait « participé à la réalisation de ces œuvres aux fins de leur radiodiffusion par des sociétés nationales de programme et qu’il avait, d’une part, connaissance de l’utilisation envisagée de sa prestation, d’autre part, effectué sa prestation aux fins d’une telle utilisation » et que « c’est à bon droit que la cour d’appel (…) a énoncé qu’en exonérant l’INA de prouver par un écrit l’autorisation donnée par l’artiste-interprète, l’article 49, II, de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, ne supprime pas l’exigence de ce consentement mais instaure une présomption simple d’autorisation qui peut être combattue et ne remet pas en cause le droit exclusif de l’artiste-interprète d’autoriser ou d’interdire la reproduction de sa prestation ainsi que sa communication et sa mise à la disposition du public ».
La Haute juridiction rejette en conséquence le pourvoi.