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Le contrat clé en main n’exclut pas une simple obligation de moyens à la charge d’un prestataire informatique

27 novembre 2019 | Derriennic Associés|

Cour d’appel de Colmar, 1ère Chambre A, Arrêt du 30 septembre 2019, Répertoire général nº 17/04831

Même dans le cadre d’une solution ‘clé en main’, lorsque le déploiement est soumis non seulement à un pilotage conjoint des parties, mais également à une part d’aléa et de contraintes technologiques relevant de la responsabilité du client, seule une obligation de moyens peut être mise à la charge du prestataire informatique.

Une société contractualise avec un prestataire informatique dans le cadre d’un « projet de mise en œuvre de la solution », visant à fournir une solution globale « clé en main » comprenant l’assistance, l’intégration de la solution adaptée au contexte de l’entreprise, l’exploitation, le pilotage et la maintenance de tout le système dans le cadre d’un contrat d’abonnement SaaS.

Des dysfonctionnements n’étant pas résolus, le client exige l’annulation de la commande puis assigne son cocontractant devant le TGI de Strasbourg, sollicitant le remboursement de factures et le paiement de dommages-intérêts ; le prestataire demande, à titre reconventionnel, l’indemnisation des préjudices du fait de la résolution unilatérale du contrat.

Le tribunal donne raison au demandeur, considérant notamment que le prestataire, tenu à une obligation de résultat, n’avait pas réussi à faire fonctionner et adapter le progiciel aux besoins du client. Le jugement relève que le client n’avait aucune maîtrise du produit et se trouvait à la discrétion du prestataire qui agissait comme un maître d’œuvre.

La cour d’appel de Colmar infirme le jugement et déboute le client de l’intégralité de ses demandes, retenant principalement que le prestataire n’était tenu que d’une obligation de moyen et que le client, qui avait à sa charge la gestion du réseau Internet et sa capacité, n’a pas mis en place la connexion professionnelle qui était préconisée.

Après le succès du pourvoi, la même cour, autrement composée, doit se prononcer à nouveau.

Pour la cour d’appel sur renvoi, si le système mis en œuvre revêtait un caractère de nouveauté, avec la mise en œuvre de solutions technologiques innovantes, dans le cadre d’une solution ‘clé en main’, il n’en demeure pas moins que le déploiement de l’installation était soumis non seulement à un pilotage conjoint des parties, mais également à une part d’aléa et de contraintes technologiques relevant de la responsabilité du client. Dès lors, seule une obligation de moyens peut être mise à la charge du prestataire informatique.

Les dysfonctionnements sont bien établis mais la plupart ont reçu solution et s’ils constituent des inconvénients, ils ne traduisent pas en eux-mêmes une inaptitude du système à fonctionner, sauf en ce qui concerne la lenteur persistante du système. Or, aux termes de la matrice de responsabilité (RACI), la gestion de la capacité du réseau internet relevait du client qui disposait d’une liaison internet d’une capacité insuffisante.

Dans ces conditions, la cour considère que c’est sans motif que le client a procédé à la résiliation unilatérale du contrat alors même qu’il a manqué à l’obligation de collaboration qui lui incombait.

La cour relève également que le client, lorsqu’il entend annuler sa commande, tout en conviant son cocontractant à une reprise de l’installation, a déjà confié à un tiers la reprise du logiciel et que le client a refusé de nouveaux tests, n’ayant par conséquent pas fait preuve de la loyauté contractuelle.

Au regard des conditions fautives de la rupture du contrat, imputable au client, c’est donc à juste titre que le prestataire informatique sollicite la réparation des préjudices résultant du défaut d’exécution du contrat consécutivement à cette rupture : pour les juges d’appel, celui-ci a indûment perdu le bénéfice de la redevance mensuelle fixe convenue entre les parties pour un montant mensuel sur la durée totale du contrat (60 mois), somme que le client sera donc condamné à payer.

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