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Le ministre de l’intérieur : un responsable du traitement pas comme les autres

29 novembre 2019 | Derriennic Associés|

Par un arrêt du 24 octobre 2019, le Conseil d’Etat a considéré que le ministre de l’intérieur, répondant à une demande de droit d’accès, n’est pas tenu de délivrer copie des documents servant de support aux données à caractère personnel.

Pour rappel, l’article 15 du Règlement général sur la protection des données (RGPD) prévoit qu’en cas d’exercice du droit d’accès par une personne concernée, le responsable du traitement doit lui fournir une copie des données à caractère personnel faisant l’objet du traitement.

L’article 41 de la loi dite « Informatique et libertés » n° 78-17 du 6 janvier 1978, dans sa version applicable aux faits, prévoyait un régime dérogatoire s’agissant de l’exercice du droit d’accès dans le cadre des traitements intéressant la sureté de l’état, la défense ou la sécurité publique :

« La demande est adressée à la commission qui désigne l’un de ses membres appartenant ou ayant appartenu au Conseil d’Etat, à la Cour de cassation ou à la Cour des comptes pour mener les investigations utiles et faire procéder aux modifications nécessaires. Celui-ci peut se faire assister d’un agent de la commission. Il est notifié au requérant qu’il a été procédé aux vérifications.

Lorsque la commission constate, en accord avec le responsable du traitement, que la communication des données qui y sont contenues ne met pas en cause ses finalités, la sûreté de l’Etat, la défense ou la sécurité publique, ces données peuvent être communiquées au requérant. »

Ces dispositions figurent, aujourd’hui, en substance, à l’article 118 de la loi du 6 janvier 1978.

En l’espèce, un particulier a saisi la CNIL d’une demande de communication des informations la concernant contenues dans les fichiers de services de l’information générale du ministre de l’intérieur, dans le cadre du droit d’accès prévu à l’article 41 susvisé.

Suite au refus qui a été opposé à cette demande, le Tribunal administratif de Paris, dans un jugement du 13 mai 2016, a, sur demande du particulier, annulé la décision de refus et a enjoint le ministre de l’intérieur de communiquer les informations à la personne concernée sous 3 mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Si la personne concernée a pu consulter ces informations dans les locaux d’une préfecture, le 17 novembre 2017, elle n’a pas, en revanche, pu obtenir une copie des documents en cause, malgré les demandes en ce sens.

Estimant que le ministre de l’intérieur n’avait pas correctement exécuté l’injonction qui lui avait été faite, la personne concernée a demandé au Tribunal administratif de Paris de procéder à la liquidation de l’astreinte pour un montant de 34.500 euros. Par jugement du 12 décembre 2017, le Tribunal administratif a liquidé l’astreinte à un montant de 3.650 €.

La Cour administrative d’appel de Paris, saisie par le particulier, a, le 15 novembre 2018, porté l’astreinte à 8.200 € au motif que la complète exécution de cette injonction impliquait la remise d’une copie des documents sollicités et a enjoint le ministre de l’intérieur de délivrer ladite copie au requérant.

Le ministre de l’intérieur s’est pourvu en cassation. Le Conseil d’Etat a donné raison au ministre de l’intérieur, dès lors que le responsable du traitement communique, dans le cadre de l’article 41, les données à caractère personnel selon les modalités qu’il définit :

« Le ministre de l’intérieur, qui n’était donc pas tenu de remettre à M.B. une copie des documents consultés, a pu valablement exécuter l’injonction qui lui était faite en s’assurant que le requérant puisse consulter les données sollicitées sur place »

Le Conseil d’Etat a, en conséquence, annulé l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris pour erreur de droit.

Lien vers la décision : https://www.legalis.net/jurisprudences/conseil-detat-10eme-9eme-ch-reunies-decision-du-24-octobre-2019-2/