Cour d’appel de Lyon, 1ère Chambre civile A, Arrêt du 29 octobre 2020, Répertoire général nº 19/08453
Le contrat informatique qui implique un devoir de collaboration du client comporte nécessairement un aléa qui conduit à écarter la qualification d’obligation de résultat à l’encontre du prestataire au profit de l’obligation de moyen, renforcée du fait de son rôle prépondérant. En conséquence, il pèse sur ce dernier une présomption simple de faute, non constituée s’il agit avec diligence, même si des dysfonctionnements nombreux subsistent.
Après avoir passé commande d’un logiciel spécifique au prestataire informatique avec qui il entretient des relations commerciales de longue durée, le client, se plaignant de dysfonctionnements, assigne ledit prestataire afin de le voir condamner à lui rembourser le montant réglé ainsi que des dommages-intérêts au titre du préjudice subi. Le prestataire forme une demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour rupture brutale d’une relation commerciale établie.
Après un premier jugement du tribunal de commerce de Gap, l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble sera cassé par la Haute juridiction au visa de l’article L.442-6 sur la question de la compétence juridictionnelle.
Le client saisit la cour de renvoi en faisant essentiellement valoir qu’il a demandé une étude au prestataire avant de passer commande et qu’au terme de trois ans de difficultés continues, il a informé son co-contractant qu’il ne pouvait utiliser la solution, que le prestataire connaissait parfaitement ses besoins et son fonctionnement.
Le prestataire fait état d’un constat d’huissier selon lequel le système était opérationnel. Il considère que les difficultés sont imputables au client et que les besoins avaient été mal définis, et que, le matériel informatique ayant été commandé sans mention de délai ni de cahier des charges, il est débiteur d’une obligation de moyen. Or, concernant les problèmes qui lui sont imputables, il s’est aussitôt attaché à les résoudre, jusqu’à ce que le client interrompe son travail.
La cour d’appel de Lyon va relever que le contrat conclu entre les parties sous la forme d’un bon de commande énumère très succinctement le matériel et les logiciels fournis, aucun cahier des charges n’a été rédigé, aucun délai d’exécution n’a été convenu, de sorte qu’il incombe à la juridiction de qualifier l’obligation liant les parties en recherchant leur commune intention.
En l’espèce, le contrat implique une obligation de conseil du prestataire et un devoir de collaboration du client qui naît dès la phase de pourparlers et se prolonge durant la phase d’installation et de mise en œuvre du système. Il comporte nécessairement un aléa qui conduit à écarter la qualification d’obligation de résultat au profit de l’obligation de moyen. Si le rôle du prestataire est prépondérant lors de la réalisation de la solution informatique, il n’en demeure pas moins que le client exerce un rôle indispensable à la bonne exécution de cette obligation, de sorte que sera retenue à la charge du prestataire une obligation de moyen renforcée. En conséquence, il pèse sur ce dernier une présomption simple de faute lui permettant de s’exonérer en établissant son absence de faute.
Du rapport d’expertise judiciaire et du constat d’huissier, les juges vont déduire que le prestataire a fourni et installé un système informatique adapté à l’usage que le client voulait en faire. Pour autant des difficultés de fonctionnement sont apparues et subsistaient ; l’expert a conclu qu’elles étaient anormalement nombreuses et que les réponses apportées par le prestataire n’étaient pas satisfaisantes. Cependant, le prestataire a assuré le suivi du système informatique avec la diligence requise et essayait de corriger les problèmes dès que ceux-ci apparaissaient, même si ses interventions étaient insuffisantes pour réduire ces anomalies de manière significative. Ainsi, le prestataire, débiteur d’une obligation de moyens renforcée, a satisfait à son obligation. Ses compétences étaient insuffisantes pour résoudre définitivement ces anomalies ; ceci ne constitue pas une faute à la charge du prestataire qui n’était pas tenu d’une obligation de résultat.
Concernant la rupture des relations contractuelles par le client, les juges notent que les parties étaient en relation d’affaires depuis 19 années et avaient conclu des contrats de maintenance comportant une clause de résiliation s’il n’était pas été remédié à un manquement dans les 30 jours suivant notification écrite. Or le client a mis en demeure son prestataire de reprendre l’intégralité du matériel, de lui rembourser l’ensemble des factures payées, et d’indemniser son préjudice sans évoquer la résiliation des contrats pour manquement aux obligations de son fournisseur en référence à la clause prévue à cet effet. La rupture de la relation commerciale sans respect de la forme et du préavis contractuellement prévus ne peut qu’être qualifiée de brutale et ouvrir droit à indemnisation.