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Le secret médical : pas de partage systématique entre professionnels de santé rappelle le Conseil d’Etat

18 janvier 2023 | Derriennic associés|

Par un arrêt du 15 novembre 2022, le Conseil d’Etat a rappelé la suprématie du secret médical lequel ne peut être divulgué même entre deux médecins, sans le consentement du patient concerné, que dans des cas très limités.

Pour mémoire, selon l’article R. 4127-4 du Code de la santé publique, : « Le secret professionnel institué dans l’intérêt des patients s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris ».

Aussi, il ressort notamment de l’article L.1110-4 du Code de la santé publique que :

  • « toute personne prise en charge par un professionnel de santé, (…) a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant » ;
  • « un professionnel peut échanger avec un ou plusieurs professionnels identifiés des informations relatives à une même personne prise en charge, à condition qu’ils participent tous à sa prise en charge (…) » ;
  • « Lorsque ces professionnels appartiennent à la même équipe de soins, (…) ils peuvent partager les informations concernant une même personne (…). Le partage, entre des professionnels ne faisant pas partie de la même équipe de soins, d’informations nécessaires à la prise en charge d’une personne requiert son consentement préalable (…) ».

En l’espèce, le litige opposait un particulier, M. B., victime d’un accident de la circulation, à un médecin-conseil.

Conformément à la loi du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation, une procédure amiable d’indemnisation avait été entamée. Le médecin-conseil de l’assureur de M. B. avait alors établi un rapport d’expertise lequel avait été communiqué à l’assureur de l’auteur de l’accident, lequel l’avait lui-même transmis à son propre médecin-conseil. La procédure amiable n’a toutefois pas abouti et une expertise judiciaire a été ordonnée.

Dans le cadre de l’expertise judiciaire, le médecin-conseil de l’assureur de l’auteur de l’accident a communiqué à l’expert judiciaire le rapport réalisé lors de la procédure amiable et ce, sans le consentement préalable de M. B.

Considérant qu’il y avait là une violation du secret médical, M. B. a porté plainte contre ce médecin-conseil devant la Chambre disciplinaire de première instance de l’ordre des médecins. Celle-ci a prononcé un blâme contre le médecin-conseil, mais cette décision a été annulée par la Chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins. La juridiction d’appel a effectivement jugé que « le secret médical s’appliquait aux deux médecins et que l’échange de telles données couvertes par le secret médical concourrait à la bonne administration de la justice ». M. B. s’est alors pourvu en cassation devant le Conseil d’Etat.

Dans son arrêt du 15 novembre 2022, le Conseil d’Etat a annulé la décision d’appel en jugeant « qu’il résulte de l’article L.1110-4 du Code de la santé publique (…) que le partage d’informations couvertes par le secret médical et nécessaires à la prise en charge d’une personne, entre professionnels de santé ne faisant pas partie de la même équipe de soins, requiert le consentement préalable de cette personne (…) ». Aussi, le Conseil d’Etat a précisé que l’article 275 du Code de procédure civile, qui prévoit l’obligation pour les parties à une expertise judiciaire de communiquer les documents que l’expert judiciaire estime nécessaires à l’accomplissement de sa mission, ne permet pas de déroger à une telle règle.

Un médecin-conseil ne peut donc, sans l’accord préalable de la victime, communiquer un rapport d’expertise sur l’état de santé de cette dernière à un expert judiciaire, quand bien même celui-ci a également la qualité de médecin et est soumis au secret médical.

Source : ici