Cour de cassation, première chambre civile, Arrêt du 5 juin 2019
La Cour a rendu un arrêt par lequel elle a posé une question préjudicielle à la CJUE sur le point de savoir si l’exploitant d’un moteur de recherche était soumis à l’interdiction de traiter des catégories particulières de données, au sens de l’article 8 de la directive du 24 octobre 1995, ainsi que des données relatives aux infractions, aux condamnations pénales et aux mesures de sûreté.
Un particulier exerçant la profession d’expert-comptable et de commissaire aux comptes a été déclaré coupable d’escroquerie et de tentative d’escroquerie par jugement du tribunal correctionnel de Metz, confirmé par un arrêt de la Cour d’appel de Metz rendu le 9 octobre 2013.
Par la suite, ce particulier a demandé à la société Google LLC de supprimer des liens redirigeant vers deux comptes rendus d’audience relatant cette condamnation pénale, publiés sur le site internet du journal « Le Républicain lorrain ».
Après que la société Google LLC lui a opposé une fin de non-recevoir, le particulier a assigné cette dernière en référé, en se fondant sur son droit d’opposition, aux fins de déréférencement desdits liens.
Le particulier fait ici grief à l’arrêt d’avoir rejeté sa demande de déréférencement, alors même que l’article 9 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978, dans sa rédaction applicable en l’espèce, restreignait la mise en œuvre des traitements de données à caractère personnel relatives aux infractions, condamnations et mesures de sûreté, à une liste de personnes limitativement énumérées, parmi lesquelles ne figurent pas les exploitants de moteur de recherche.
La Cour de cassation a indiqué que le Conseil d’Etat a, par décision du 24 février 2017, renvoyé à la CJUE un certain nombre de questions préjudicielles, parmi lesquelles :
« Eu égard aux responsabilités, aux compétences et aux possibilités spécifiques de l’exploitant d’un moteur de recherche, l’interdiction faite aux autres responsables de traitement de traiter des données relevant des paragraphes 1 et 5 de l’article 8 de la directive du 24 octobre 1995, sous réserve des exceptions prévues par ce texte, est-elle également applicable à cet exploitant en tant que responsable du traitement que constitue ce moteur ? »
D’autres questions étaient également posées par le Conseil d’Etat, notamment sur le point de savoir si, en cas de réponse positive à cette première question, l’exploitant d’un moteur de recherche devait faire systématiquement droit aux demandes de déréférencement portant sur des liens menant vers des pages web qui traitent de telles données.
A l’inverse, en cas de réponse négative à la première question, le Conseil d’Etat s’est interrogé sur le point de savoir quelles exigences spécifiques l’exploitant d’un moteur de recherche devait satisfaire, compte tenu de ses responsabilités, de ses compétences et de ses possibilités. De plus, le Conseil d’Etat a interrogé la CJUE afin de savoir si, lorsqu’un exploitant de moteur de recherche constate que des pages web vers lesquelles mènent les liens dont le référencement est demandé comportent des données dont la publication, sur lesdites pages, est illicite, les dispositions de la directive du 24 octobre 1995 doivent-elles être interprétées en ce sens :
- qu’elles imposent à l’exploitant d’un moteur de recherche de supprimer ces liens de la liste des résultats affichés à la suite d’une recherche effectuée à partir du nom du demandeur ?
- ou qu’elles impliquent seulement qu’il prenne en compte cette circonstance pour apprécier le bien-fondé de la demande de déréférencement ?
- ou que cette circonstance est sans incidence sur l’appréciation qu’il doit porter ?
La Cour de cassation, en conséquence, a sursis à statuer sur le pourvoi jusqu’au prononcé de la décision de la CJUE dans l’affaire en cause (référence : C-136/17).
Lien vers la décision de la Cour de cassation :