Dans un arrêt du 16 mars 2022, la Chambre commerciale de la Cour de cassation saisit l’occasion de rappeler les conditions dans lesquelles il doit être considéré qu’une relation commerciale établie s’est poursuivie entre deux partenaires, cette fois-ci entre un opérateur et plusieurs filiales appartenant au même groupe.
Un prestataire informatique était en relation, parallèles et successives, pendant 14 ans avec 5 filiales d’un opérateur télécom afin de réaliser des travaux de raccordement auprès de particuliers. La dernière relation en cours avec l’une des filiales, d’une durée de 4 ans, a été rompue avec un préavis de 3 mois, lequel a été considéré comme insuffisant par le prestataire informatique.
Le Tribunal de commerce de Paris a fait droit à la demande du prestataire informatique, jugeant la durée de préavis insuffisante au motif qu’il faudrait prendre compte la durée totale des relations avec les différentes filiales.
La Cour d’appel de Paris a censuré ce jugement, considérant que les différentes relations commerciales du prestataire informatique avec les différentes filiales du groupe ne pouvaient constituer une seule et même relation commerciale établie, ce qui aurait allonger la durée du préavis de rupture, au motif que ni l’éventuelle appartenance de sociétés au même groupe, ni la réalisation de prestation pour le compte du même opérateur ne sont « des indices suffisants pour en déduire une volonté de poursuite des relations commerciales initialement nouées avec ces entités tierces ».
La Cour de cassation valide ce raisonnement, en rappelant que :
- l’écran des personnes morales ne cède pas facilement : une société mère ne peut être inquiétée par les relations nouées par ses filiales et chaque relation demeure autonome et distincte.
- cet écran cède uniquement lorsqu’il y a « poursuite » ou « continuation » de la relation, et précisément :
- soit une continuation automatique lorsque la nouvelle entité est la continuation juridique de l’opérateur initial du fait d’une opération de restructuration « emportant transfert automatique de droits et obligations au contractant ayant poursuivi la relation commerciale avec elle à la suite d’opérations de rachat, d’apport ou de fusion » ;
- soit une continuation sous condition de la démonstration d’une « intention » des partenaires en ce sens lorsque c’est le flux d’affaires, et non la personne, qui fait l’objet d’une continuation, condition qui n’était pas satisfait ici.
Source : Cass. com., 16 mars 2022, n° 20-19.490