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Neutralité du Net : La consécration européenne

06 octobre 2016 | Derriennic Associés|

 

La neutralité du Net peut être définie comme le principe garantissant l’égalité de traitement de tous les flux de données sur Internet de manière à ce que les données soient traitées de manière identique, les contenus circulent et se chargent sans discrimination, toutes les personnes se connectant au réseau sont sur un pied d’égalité. Seuls les critères techniques impactent l’accès et le débit.

Ce principe exclut par exemple toute discrimination à l’égard de la source, de la destination ou du contenu de l’information transmise sur le réseau. Les utilisateurs ne feront face à aucune gestion du trafic Internet qui aurait pour effet de limiter leur accès aux applications et services distribués sur le réseau. Les flux d’information ne sont ni bloqués, ni dégradés, ni favorisés par les opérateurs de télécommunications, qui achemineront dans les mêmes conditions toutes les données de tous les clients.

Les fournisseurs d’accès (FAI) mettent en avant la nécessité de gestion du trafic, la qualité de service, et l’innovation, qui serait empêchée par la régulation, pour remettre en cause ce principe.

Les FAI souhaitent proposer des tarifs, forfaits, options (le prix payé permettant d’influer sur la rapidité de navigation) ou pour s’associer avec des fournisseurs de contenus et les favoriser (tel format ou qualité ne serait pas disponible pour tous).

Les défenseurs de la neutralité du Net stigmatisent quant à eux un « Internet à la carte » hiérarchisant les internautes et les producteurs, aboutissant à un internet à deux vitesses, et demandent notamment l’interdiction de priorisation de la bande passante en fonction du tarif.

Alors qu’aux Etats-Unis où le débat est plus ancien qu’en Europe, la Federal Communications Commission (FCC), le régulateur des telecoms, avait pris position dès 2004, les FAI ont entamé une bataille judiciaire et contesté les décisions. La FCC s’est encore prononcée pour la neutralité le 26 février 2015, considérant Internet comme un « bien public » et donnant pouvoir à la Commission de faire appliquer la neutralité sur l’ensemble du territoire.

En Europe, le Parlement a introduit le 27 octobre 2015 pour la première fois dans le droit de l’Union les grands principes découlant de la neutralité : traitement égal et non-discrimination du trafic et droit de tous de diffuser et accéder à toute information.

Les règles de mise en application restaient à préciser et des zones à éclaircir, la granularité des mesures pouvant permettre de diminuer la portée de la Neutralité.

Par exemple la pratique du « zero rating » (le fait pour un opérateur de ne pas bloquer ou facturer la bande passante consommée par une application ou vers un cloud spécifique, ou ne pas la décompter du forfait) n’est pas interdite explicitement.

A l’été 2016 le Body of European Regulators for Electronic Communications (BEREC), le régulateur européen (entité regroupant les régulateurs des télécoms des Etats) (ou ORECE en français) a lancé une consultation publique en ligne, clôturée le 18 juillet 2016, qui a connu un franc succès avec plus de 500 000 contributions, notamment de la société civile, alors que les opérateurs faisaient pression pour obtenir des mesures légères, permettant des aménagements, la régulation étant présentée par exemple comme frein au développement de la 5G.

Le 30 aout 2016 le BEREC a publié son rapport donnant les lignes directrices destinées à guider les régulateurs nationaux dans la mise en œuvre du règlement 2015/2120 du 25 novembre 2015. Il consacre sans détour la neutralité du Net “les fournisseurs d’accès à Internet doivent traiter tout type de trafic de façon égale, sans discrimination, restriction ou ingérence, indépendamment de l’expéditeur ou du receveur, du contenu échangé, des applications ou services fournis et des terminaux utilisés.”

Le BEREC a en grande partie comblé les manques du Règlement.

Pour reprendre l’exemple du zero rating, la pratique n’est pas formellement proscrite par le BEREC, mais les conditions fixées sont tellement strictes qu’il devient très difficile pour un opérateur d’y avoir recours.

Les régulateurs nationaux (et donc l’ARCEP en France) pourront prendre des sanctions contre les FAI ne respectant pas la règle et dégradent la qualité d’accès à des services ou favorisent indûment un type de services par rapport à d’autres.

L’ARCEP s’en est félicité et a déclaré :

« La version finale publiée aujourd’hui comporte des précisions visant à répondre aux interrogations et propositions portées par les contributeurs lors de la consultation publique.

Les lignes directrices donnent aux régulateurs nationaux une feuille de route claire dans l’application du règlement. Les régulateurs sont amenés à jouer un rôle de gardien de la neutralité du net, en veillant à son respect par les opérateurs et en sanctionnant le cas échéant leurs écarts de conduite. Comme le prévoit le règlement, certaines pratiques (services spécialisés, zero rating) ne sont proscrites que pour autant qu’elles conduisent à contourner le principe de neutralité du net, et feront l’objet d’analyses au cas par cas. Les lignes directrices se veulent  » robustes vis-à-vis de l’avenir  » ( » future proof « ) et le BEREC reste à l’écoute des acteurs pour favoriser l’innovation. »

Prochaine étape : 1er rapport annuel des autorités nationales sur la neutralité le 30 juin 2017.

A suivre…