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Première remise en cause de l’obligation de divulguer la clé de déchiffrement de données intéressant l’enquête pénale

07 février 2018 | Derriennic Associés|

 

Cass. Crim. 10 janvier 2018, arrêt n°3478, 17-90.019

La légalité de l’article 434-15-2 du Code pénal, portant sur l’obligation de divulguer la clé de déchiffrement intéressant l’enquête pénale, a été pour la première fois remise en cause devant la Chambre criminelle de la Cour de cassation. Celle-ci a, en effet, jugé la question nouvelle et sérieuse et l’a transmise au Conseil constitutionnel le 10 janvier dernier.

Pour rappel, l’article 434-15-2 punit désormais de 3 ans d’emprisonnement et de 270 000 euros d’amende « le fait, pour quiconque ayant connaissance de la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie susceptible d’avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit, de refuser de remettre ladite convention aux autorités judiciaires ou de la mettre en œuvre, sur les réquisitions de ces autorités », après un renforcement opéré par la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement.

Les peines sont aggravées à 5 ans d’emprisonnement et 450 000 euros d’amende si « le refus est opposé alors que la remise ou la mise en œuvre de la convention aurait permis d’éviter la commission d’un crime ou d’un délit ou d’en limiter les effets ».

La question prioritaire de constitutionnalité a été formulée comme suit : les dispositions de cet article sont-elles contraires au principe du droit au procès équitable et de la présomption d’innocence en ce qu’elles ne permettent pas au mis en cause :

  • de faire usage de son droit au silence ;
  • ni de faire usage de son droit de ne pas s’auto-incriminer ?

Si le texte est prononcé inconstitutionnel, cela signifierait que les services de police et de gendarmerie, qui rencontrent actuellement de grandes difficultés pour localiser et récupérer les données susceptibles d’intéresser leur enquête, se retrouveraient démunis d’une arme efficace pour contourner le chiffrement de ces données.

La question se pose également de savoir comment le Conseil constitutionnel se positionnera quant aux obligations de toute autre personne détenant le moyen de déchiffrement mais non mise en cause au cours de la procédure pénale, puisque le texte du Code pénalvise bel et bien « quiconque ayant connaissance de la convention secrète de déchiffrement ».

Le Conseil constitutionnel devrait statuer dans les trois mois à venir.