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Quand le législateur met les influenceurs mineurs à l’abri du coup de grisou (numérique)

13 novembre 2020 | Derriennic Associés |

Le 20 novembre 2019, la Convention Internationale des Droits de l’Enfant fêtait ses 20 ans. Anticipant cet anniversaire, dès le 10 juillet, la France adoptait la loi relative à l’interdiction des violences éducatives ordinaires, passée à la postérité affublée du sobriquet de « loi anti-fessée ».

C’est donc dans ce mouvement législatif tendant au « renforcement de la politique de sensibilisation, de soutien, d’accompagnement et de formation à la parentalité à destination des futurs parents » que s’est insérée la loi du 19 Octobre 2020.

Désireuse d’encadrer l’exploitation commerciale de l’image de mineurs de 16 ans sur les plateformes en ligne, cette loi aspire à protéger explicitement les « enfants influenceurs ». Pour ce faire, elle :

  • S’intéresse, d’une part, à l’applicabilité de la qualification de travail à l’activité de l’enfant,
  • D’autre part, elle responsabilise les parties destinées à tirer profit des mineurs que sont leurs parents et les plateformes.
  • En outre, elle place dans les mains expertes du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), le contrôle du respect de l’esprit du texte. Pour ce faire, il est habilité à saisir le juge des référés.
  • Enfin, l’exercice direct par les mineurs du droit à l’oubli est facilité.

L’incidence de la qualification de travail sur l’encadrement de l’activité de l’enfant

Le mineur exerce une activité telle qu’elle s’assimile à un travail

Dans ce cas, il a paru opportun au Législateur d’établir une filiation avec le régime applicable aux enfants mannequins, du spectacle et de la publicité.

En amont de toute préparation de contenu vidéo, les parents ou titulaires de l’autorité parentale devront solliciter une autorisation individuelle ou un agrément auprès de l’administration. Un rappel de leurs obligations financières (consignation d’une partie des revenus de l’enfant et du pécule à la Caisse des dépôts jusqu’à la majorité ou l’émancipation) et des conséquences de la surexposition d’un enfant sur internet.

Le mineur exerce une activité ne pouvant parfaitement s’assimiler à un travail

Il incombe aux parents d’effectuer une déclaration, au-delà de certains seuils de durée ou de nombre de vidéos ou de revenus tirés de leur diffusion, amenés à être précisés par décret. Là aussi les obligations financières s’appliquent.

Le défaut d’autorisation, d’agrément ou de déclarations des parents ouvrira à l’administration le droit de saisir le juge des référés.

Les articles L. 7124-1, L. 7124-4, en plus de l’insertion d’un article L. 7124-4-1, art. L. 7124-5, art. L. 7124-9 du Code Travail sont modifiés.

La responsabilisation des plateformes de partage de vidéos

Ce sont les grands acteurs du numérique plébiscités par les mineurs de 16 ans (Snapchat, YouTube et autres TikTok…) qui sont placés dans le viseur du CSA. On rappellera à cette occasion que l’usage des réseaux sociaux est interdit aux mineurs de 13 ans.

Les articles 2 et 4 incitent les plateformes à adopter des chartes afin de favoriser l’information et la sensibilisation des mineurs sur les conséquences de la diffusion de leur image, de leur vie privée ainsi que des conséquences juridiques et psychologiques afférentes à leurs activités. Le censeur du milieu audiovisuel devant notamment « promouvoir » la signature de ces chartes (article 5)

L’exercice facilité du droit à l’oubli par les mineurs

« Le consentement des titulaires de l’autorité parentale n’est pas requis pour la mise en œuvre, par une personne mineure ». Le texte n’aurait pu être plus clair. Il souhaite permettre l’exercice par les mineurs de leur droit à l’oubli, tel que consacré par la loi du 6 janvier 1978 et le RGPD, sans qu’aucune entrave, même parentale, ne puisse s’opposer à leur désir de suppression des contenus mis en ligne.

La loi fait l’objet d’une entrée en vigueur différée et prévue au mois avril 2021.