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Quelques principes relatifs à la charge probatoire en matière de maintenance informatique

15 octobre 2021 | Derriennic Associés|

Cour d’appel de Grenoble, Chambre commerciale, 29 avril 2021, R.G. n° 19/01179

Dans cet arrêt, la Cour d’appel de Grenoble a saisi l’occasion de rappeler certains principes relatifs à la charge probatoire en matière de maintenance informatique notamment quant à l’expression de l’insatisfaction du client par rapport à la solution logicielle.

En l’espèce, une société spécialisée dans la découpe de bois a acquis en septembre 2014 le logiciel Topsolid auprès du distributeur Release Capital, logiciel permettant de traduire des éléments graphiques et d’alimenter une machine de découpe par laser.

Parallèlement, le Client a conclu, en décembre 2015, un contrat de maintenance du logiciel auprès d’un autre prestataire informatique.

A la suite de ce contrat, en mai et novembre 2016, un audit technique et des réunions de travail ont eu lieu mais les parties ne sont pas parvenues à s’accorder sur l’objet de ces réunions.

Le 9 février 2017, suite à la relance en paiement de la facture de 2016 émise par le mainteneur, le client s’est plaint auprès de celui-ci :

  • de dysfonctionnements du logiciel impactant la machine de découpe (perte de matières premières) ;
  • du fait que la licence avait expirée, malgré le contrat conclu avec la société Release Capital (c’était visiblement le fournisseur de maintenance qui était chargé de lui fournir les codes d’accès au logiciel).

Le 19 mai 2017, l’appelante va renouveler ses doléances auprès du mainteneur, concernant les factures de 2016 et 2017, en lui indiquant notamment avoir pris d’autres dispositions, et lui demandant d’émettre un avoir représentant le montant des factures, et de lui rembourser les loyers restants dus.

C’est dans ce contexte que le 28 août 2017, le fournisseur de maintenance a obtenu du président du Tribunal de commerce de Romans sur Isère une ordonnance enjoignant au client de payer la somme de 4.839,84 euros au titre des années 2016 et 2017.

Le client a aussitôt formé opposition à cette ordonnance, demandant en outre le paiement de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour mauvaise exécution du contrat ou résolution pour inexécution et non-conformité.

Le tribunal de commerce a, par jugement du 21 novembre 2018, déclaré cette opposition recevable mais mal fondée avant de condamner le client à payer au mainteneur la somme de 4.839,84 euros.

Débouté de ses demandes en première instance, le client a interjeté appel de cette décision le 12 mars 2019 demandant : d’infirmer en totalité l’ordonnance d’août 2017, de rejeter les demandes de l’intimée et de le condamner à lui payer 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour mauvaise exécution du contrat, ou, subsidiairement, au titre de la résolution de la vente pour inexécution et non-conformité.

Elle expose notamment que :

  • L’intimée ne rapporte pas la preuve de l’exécution de l’obligation dont elle sollicite le paiement, puisque la concluante a toujours contesté le bien fondé des factures de maintenance et que le logiciel fourni a toujours connu des problèmes qui n’ont jamais été réglés ;
  • L’intimée ne peut justifier d’une facture de maintenance sur l’année 2017 alors que le logiciel n’était plus accessible, celle-ci lui ayant omis (volontairement selon elle) de lui transmettre les codes d’accès.
  • Elle a subi un préjudice économique et commercial de 15.000 € (le prix de la licence) résultant de la souscription à un logiciel coûteux et inutilisable et de la nécessité de recourir à un autre logiciel.

Le fournisseur de maintenance argue, quant à lui, que la première réclamation formulée en février 2017 pour un contrat signé en 2015 prouve qu’aucun dysfonctionnement n’a été relevé pour 2015-2016 et que malgré le non-paiement, il n’a pas coupé l’accès au logiciel en février 2017, puisqu’il a communiqué chaque année les codes d’accès.

Il indique en outre que, les mails cités par l’appelant n’établissent absolument pas l’existence de problèmes :

  • le premier mail du 25 septembre 2015 ne correspond qu’à un problème de paramétrage et de découpe, devant être supprimé par l’envoi d’un correctif, de sorte qu’il ne s’agissait pas d’un problème de fonctionnement, mais de perfectionnement ;
  • le second mail produit par l’appelante ne concerne que la tenue d’une réunion de travail et non un problème de fonctionnement ;
  • le troisième mail fait état d’un audit technique n’ayant révélé aucun dysfonctionnement.

Enfin, l’appelant ne justifie pas du préjudice allégué, d’autant qu’elle ne rapporte pas la preuve d’une faute ; que le fait qu’elle produise une facture concernant l’acquisition d’un nouveau logiciel ne peut suffire à établir un préjudice, dans la mesure où il n’est pas démontré que le logiciel ne fonctionnait pas ou était inutilisable.

La Cour d’appel de Grenoble a, dans un premier temps, rappelé que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. Dans un second temps, les juges relèveront que :

  • l’appelant ne s’était jamais plaint, avant le début de l’année 2017, auprès du fournisseur de maintenance de problèmes concernant l’utilisation du logiciel, ni des conditions de sa maintenance et le contrat de maintenance a été reconduit tacitement, alors que l’appelante pouvait s’y opposer ;
  • dans le but de confirmer l’existence de ces difficultés, elle ne produit que des attestations de ses salariés et la facture concernant l’acquisition d’un nouveau logiciel. En dehors de tout autre élément notamment technique, ces pièces ne permettent pas de constater que le logiciel n’a jamais fonctionné correctement et que sa maintenance n’aurait pas été réalisée, conformément aux dispositions du contrat ;
  • si en outre l’appelant se prévaut d’une impossibilité d’utiliser la licence début 2017, le fournisseur de maintenance justifie, par courrier du 13 mars 2017 non démenti par l’appelant, être intervenu avec une mise à jour du logiciel, et une vérification des codes et droits d’accès qui sont valides.
  • le fournisseur de maintenance a ainsi justifié avoir exécuté ses obligations, qui ont été facturées conformément au contrat initial.

Dès lors, suivant le raisonnement du Tribunal de commerce, la Cour d’appel considère que l’appelante n’a pas d’éléments probant permettant de retenir le dysfonctionnement du logiciel ou l’impossibilité de l’utiliser. Elle n’a en conséquence pas justifié du fait qui a produit l’extinction de son obligation, conformément au texte précité, de sorte qu’elle reste tenue au paiement des factures litigieuses.

Sa demande a donc été rejetée par la Cour d’appel qui a donc confirmé le jugement en toutes ses dispositions et l’a condamnée à la somme complémentaire de 2.000€ au titre de l’article 700 du CPC.